Hello, je suis la censure et, depuis des décennies, j’étais dans le dur. J’avais quasiment disparu, tant personne ne me voyait plus aucune utilité. Depuis mai 1968, la France n’était plus une terre de conquête et il me fallait m’exiler et m’acoquiner avec les théocraties les plus pourries pour retrouver du tranchant. Me voilà de retour, empathique et bienveillante, pleine de bons sentiments et d’idées généreuses.
En fin de semaine, je serai à Angoulême pour le Festival de la BD. Je m’y rengorgerai d’avoir eu la peau de Bastien Vivès et obtenu la suppression d’une exposition à sa gloire. Notez comme j’ai su m’adapter. Désormais, au lieu de bannir une œuvre ou de la passer au rabot bienséant, je me contente de délégitimer un artiste en lui accrochant à la cheville un boulet fatal. Cette fois, il a suffi d’exhumer des propos anciens tenus par Vivès sur un forum de discussion où il tutoyait la pédophilie et l’inceste. Peu importe de savoir s’il s’agissait de fantasmes. D’ordinaire, seul le passage à l’acte valait condamnation. Aujourd’hui, c’est devenu plus ambigu, tant la confusion règne entre réel et représentation, entre IRL et avatar. Et cela fait mon bonheur, d’autant que la notion de réputation a retrouvé une no