Comment en vient-on à tuer pour un dessin ? Cela relève de l’impensable mais c’est pourtant une réalité nouvelle de ce début de XXIe siècle. De l’attentat contre Charlie Hebdo à l’assassinat de Samuel Paty, les récentes manifestations de terrorisme trouvent leur origine dans une image, la caricature du prophète. Dans les Dessins de la colère (Flammarion), Bruno Nassim Aboudrar qui enseigne à l’université Sorbonne nouvelle, se penche sur cette représentation, son histoire et rappelle qu’il a existé par le passé des représentations du prophète. Historien de l’art, Aboudrar met en regard les conflits liés aux caricatures du prophète Mahomet avec les destructions d’œuvres perpétrées par des islamistes à Mossoul, Palmyre ou Tombouctou, pour interroger la puissance de ces images et les émotions qu’elles suscitent. Son mérite, et il n’est pas dérisoire, est de sortir cet épineux sujet de la traditionnelle opposition entre un islam rigoriste intolérant aux images et une intouchable liberté d’expression.
Votre livre s’ouvre sur un constat : aujourd’hui on tue davantage pour des images que pour des idées. Est-ce vraiment nouveau ?
Des attentats contre Charlie Hebdo à Samuel Paty, on voit bien que les images plus que les opinions peuvent aujourd’hui coûter la vie, et c’est assez nouveau. La dernière fois que l’on a tué massivement pour des images, c’est dans l’empire byzantin entre 726 et 843 pendant les deux querelles des images opposant chrétiens adorateurs