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Enquête

Comment trente ans de «guerres culturelles» ont sapé le débat public

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«Islamo-gauchisme», la polémiquedossier
Théorisé dans les années 90, le concept dépeint la montée en puissance de conflits politiques sur le plan des valeurs morales et des questions de société. Une grille de lecture plus que jamais d’actualité pour comprendre la «droitisation» actuelle de l’espace médiatique.
Capture d'écran d'émissions de CNews (CNEWS)
publié le 17 octobre 2021 à 10h28

Il y a trente ans, naissaient deux théories politiques. Deux paris conceptuels sur l’horizon idéologique du siècle à venir. «La fin de l’histoire», élaborée en 1989 par le politologue américain Francis Fukuyama, et la «guerre culturelle» théorisée deux ans plus tard par son compatriote, le sociologue James Davison Hunter. La première prédit la fin des idéologies et connaîtra un retentissement planétaire avant d’être ridiculisée par le regain de l’islamisme radical et la vague populiste. La seconde, moins connue, moins débattue, annonça l’exact opposé : une polarisation extrême des opinions sur des questions de morale et de société, doublée d’une véhémence rhétorique des débats. Trente ans après, c’est une banalité que de l’écrire : Hunter avait vu juste. Les clivages culturels − au sens d’un affrontement sur les valeurs nationales, les mœurs et les modes de vie – dominent la scène politique. Aussi bien aux Etats-Unis depuis une quinzaine d’années, qu’en Europe plus récemment, notamment en France.

Lorsqu’il publie Culture Wars. The Struggle to Define America en 1991, le professeur Hunter, de l’université de Virginie et spécialiste de sociologie de la religion, décrit l’essor de deux polarités «irréconciliables», les «orthodoxes», d’un côté (les conservateurs), les «progressistes» (les libéraux) de l’autre, sur un nombre croissant de problèmes publics liés aux mœurs, à l’orientation sexuelle, aux rapports à la religion, à l’autorité ou à la nature. L