Faut-il contraindre les médecins à s’installer dans les déserts médicaux ?
La France ne sera-t-elle bientôt plus qu’un désert médical ? A l’exception d’un Sud-Est plutôt épargné, plus de 60 % des bassins de vie, région parisienne incluse, sont touchés par un accès limité à la médecine généraliste. En cause, la liberté d’installation des généralistes, datant de 1921, mais aussi le maintien jusqu’en 2021 du numerus clausus limitant le nombre de médecins formés. Débattue ces jours-ci à l’Assemblée, la loi de financement de la Sécu pour 2023 entend lutter contre cette pénurie, mais un article suscite l’ire des étudiants en médecine. Il prévoit l’instauration d’une 4e année d’internat pour les futurs généralistes, qui se déroulerait «en priorité dans des zones où la démographie médicale est sous-dense». Sous la houlette de l’intersyndicale, ces internes ont manifesté vendredi, pour en demander le retrait. Pourtant, certains, comme l’avocate Corinne Lepage, veulent aller plus loin : pour eux, l’ampleur de la crise actuelle nécessite de mettre fin à la liberté d’installation des médecins. A l’inverse, pour le créateur de la série télé «Hippocrate», ex-médecin, il serait injuste de faire peser le poids de quarante ans de carence des politiques de santé sur les seuls médecins.
Je comprends la colère des internes en grève contre le projet du gouvernement qui propose une 4e année dans des zones sous-dotées en praticiens. Ce n’est pas tant l’idée d’une 4e année de médecine générale qui pose problème mais que cette année soit utilisée pour pallier le problème des déserts médicaux : la pilule est dure à avaler. Faire peser le poids de 40 ans de carence des politiques de santé sur les épaules des étudiants est injuste. Après six longues et fastidieuses années d’études et deux concours extrêmement sélectifs, ils sont déjà pressurisés et ne sont pas prêts à tous les sacrifices. Alors que l’hôpital public pâtit déjà d’une fuite des compétences vers le privé, ce sont eux qui colmatent les brèches, travaillant souvent 50 à 60 heures par semaine, avec un salaire inférieur au smic si on le ramène au taux horaire. Cette main-d’œuvre sous-payée ne bénéficie d’aucune reconnaissance. Les internes ne sont pas des «étudiants hospitaliers» mais des piliers du système de santé. Le problème de fond, c’est la violence des études de médecine, au cours desquelles les internes sont maltraités. Ce dysfonctionnement a été révélé par la crise du Covid-19 qui a mis à l’épreuve tous les soignants.
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