Pour sauver Boualem Sansal, rendons-le Immortel. Voilà le vœu qu’a exprimé l’académicien Jean-Christophe Rufin, qui a proposé à ses compagnons, jeudi 21 novembre, d’élire en urgence l’écrivain franco-algérien. Ce dernier aurait été arrêté samedi 16 novembre à son arrivée à l’aéroport d’Alger. L’initiative relèverait de la pure symbolique mais engagerait plus fortement le gouvernement français à assurer la protection de l’auteur de 2084 : la fin du monde et donnerait une gravité supplémentaire au geste de l’Etat algérien.
Déjà doublement couronné par l’Académie française, en 2013 par le Grand prix de la francophonie et en 2018 par le Grand prix du roman de l’Académie française, Boualem Sansal aurait, selon Jean-Christophe Rufin, toute légitimité à prétendre à trôner sous la coupole. «Sansal défend encore plus radicalement la langue française que certains auteurs français, observe Rufin, joint par Libé. Sans renier ses propres racines, en montrant son attachement au dialogue entre les cultures et les pays. Même si la langue française est en Algérie la langue du colonisateur, elle est aussi la langue internationale. Boualem Sansal entretient avec elle un rapport apaisé.» L’initiative a rencontré pour l’instant l’accord de plusieurs académiciens comme Erik Orsenna, Barbara Cassin, Jean-Luc Marion ou Jean Clair. Une disposition du règlement de l’institution permettrait de faire fi des délais habituels pour l’annonce de l’élection et de ne présenter qu’un seul candidat et non plusieurs. «Cela arrivait souvent, historiquement, dans le cas d’ecclésiastiques haut placés ou de prix Nobel», rappelle Rufin.
La décision officielle en revient à son secrétaire perpétuel, l’écrivain Amin Maalouf. D’autant que des sièges sont vacants. Mais est-ce vraiment le rôle d’une telle institution ? «Oui, tranche Jean-Christophe Rufin. La vocation de l’Académie est loin de n’être qu’honorifique, mais au contraire d’être un lieu de protection, de solidarité, un refuge en particulier envers la francophonie. Elle a un rôle politique à jouer.» Rufin et Sansal, tous deux publiés dans la prestigieuse collection Blanche chez Gallimard, se connaissent de longue date. «Je lui ai souvent dit de faire attention, témoigne l’ancien diplomate. Mais Boualem Sansal se savait menacé aussi bien en France qu’en Algérie, tant par les islamistes que par le régime de son pays. Mais il acceptait cette mise en danger avec tranquillité. Il est aujourd’hui dans les mâchoires d’une rivalité diplomatique dont je crains qu’il ne fasse les frais. Il est sans défense.»