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Ecologie

Dusan Kazic: «Les paysans sont domestiqués par leurs plantes autant qu’eux-mêmes les ont domestiquées»

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L’anthropologue a enfilé ses bottes et a demandé aux agriculteurs de décrire leurs relations avec les plantes qu’ils cultivent. Dans ces discussions, les fruits et les légumes ne sont plus de simples objets produits, mais des êtres vivants doués d’une puissance d’agir.
«J’ai proposé de parler de "travail inter-espèces", et de considérer les plantes comme des "travailleuses saisonnières" pour montrer que le travail n’est plus centré sur l’humain, mais qu’il repose sur la relation entre différents êtres vivants.» (Christian Roux/Liberation)
publié le 4 février 2022 à 18h05

C’est un livre où les tomates travaillent, les fraises imposent à leur agriculteur les dates de ses (rares) congés ou les courgettes deviennent les confidents de l’humain qui les cueille. Un livre où l’on croise des végétaux vraiment vivants. Dans son passionnant Quand les plantes n’en font qu’à leur tête, l’anthropologue Dusan Kazic croise analyses théoriques (on croise Bruno Latour, Karl Marx, Donna Haraway, Adam Smith…) et observations de terrain. Il a chaussé ses bottes et demandé à des paysans de lui parler de leur travail.

De plantations de tomates en champs d’asperges, d’agriculture conventionnelle en permaculture paysanne, il a repéré une drôle de coïncidence : tous reconnaissent l’existence d’un pouvoir d’action (lui, parle de «puissance d’agir») chez les végétaux qu’ils cultivent. Autrement dit, tomates, asperges et fraises ne sont pas que des denrées que l’on produit, mais des êtres vivants avec lesquels on interagit. L’agriculteur n’est pas seul maître en ses champs. Il doit aussi s’adapter à un certain nombre de contraintes imposées par les êtres qu’il cultive. Cultiver ne se résume donc pas à produire de la denrée, mais à collaborer avec ses plantes.

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