Mais où s’arrêtera-t-elle ? La pétition contre la loi Duplomb continue son petit bonhomme de chemin. Elle a été déposée le 10 juillet sur le site de l’Assemblée nationale, pour protester contre la loi votée pour «lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur» qui réautorise un pesticide jusqu’ici interdit en France. La pétition vient, en plein été, de franchir le cap des deux millions de signataires. «Instrumentalisation», ont dénoncé face à cette vague inédite de pétitionnaires le sénateur Duplomb et les partisans du texte.
Libération a enquêté pour comprendre les ressorts d’une mobilisation que personne n’a vu venir. Alors quoi ? Sans les réseaux sociaux, utilisés avec agilité par les militants associatifs, il est évident que la pétition déposée par une jeune étudiante en géographie inconnue n’aurait pas atteint ces sommets stratosphériques. Une pincée d’influenceurs, un zest de youtubeurs, deux ou trois figures un brin people, et c’est parti mon kiki : il serait tentant pour les pro loi Duplomb de résumer, pour le décrédibiliser, le succès de la pétition à un emballement numérique artificiel.
Sauf que c’est trop simple. Les pétitions à plusieurs millions fleuriraient toutes les semaines sur le site de l’Assemblée ou ailleurs. Et c’est un peu prendre les signataires pour des zozos. L’envol de la protestation repose surtout sur le travail de sensibilisation effectué par les opposants au contenu de la loi en amont de son examen. Il n’était pas arrivé à maturation lors de la discussion parlementaire. Mais les graines avaient été semées. Il ne manquait plus qu’une étincelle : elle est arrivée via la personne de Fleur Breteau, le jour de l’adoption de la loi. Cet après-midi-là, la fondatrice du collectif Cancer colère a fait mouche à double titre. En s’exprimant depuis la tribune de l’Assemblée, elle a braqué les projecteurs sur l’entourloupe parlementaire (le vote d’une motion de rejet par les partisans du texte) qui avait permis une adoption de la loi sans véritable discussion. En criant aux députés «vous êtes les alliés du cancer !» Fleur Breteau a aussi mis crûment sur la table l’opposition entre l’avenir économique de la filière agricole et la santé de chacun.