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Libération
Editorial

A l’aéroport du Bourget, la corruption dans les valises

Affaire Orion Oil : où est passé l'argent du pétrole congolais ?dossier
Dans le troisième volet de notre enquête sur l’affaire Orion Oil, les relations de l’homme d’affaires canado-congolais Lucien Ebata nous ont conduits à un potentiel système de corruption au sein de la police aux frontières de l’aéroport où atterrissent les jets privés des diplomates et autres riches businessmen.
Comment les valises pleines de liquide de Lucien Ebata ont-elles pu entrer en France ? (Photomontage Libération/Pierre Morel. Divergence, AFP et)
publié le 17 janvier 2023 à 20h54

Libération révèle les rouages de ce qui pourrait être l’un des principaux circuits de détournement des recettes du pétrole congolais, de Paris à Brazzaville en passant par la Suisse et Monaco. En cause, la société Orion Oil et son patron Lucien Ebata, proche du président Denis Sassou-Nguesso et aux multiples relations avec des personnalités économiques et politiques françaises. Retrouvez tous nos articles ici.

Est-il difficile de faire passer une valise à l’aéroport sans se faire contrôler ? Est-il difficile de la faire passer quand on est doublement fiché S, comme «affairiste susceptible de se livrer à des activités financières frauduleuses» et «membre d’un réseau de criminalité organisée spécialisé dans le blanchiment d’argent» ? Continuons, est-il difficile de faire passer avec ce statut plusieurs valises ? A l’aéroport du Bourget, ça n’est pas si compliqué. La preuve par le troisième volet de notre enquête sur Lucien Ebata, patron de la mystérieuse société pétrolière Orion Oil, proche du président congolais Denis Sassou-Nguesso et bon vivant aux multiples relations avec des personnalités économiques et politiques françaises. Comment ses valises, pleines de millions d’euros en liquide, ont-elles pu entrer en France ? Ce pourrait être avec l’aide d’agents de la police aux frontières, qui auraient pu porter les mallettes suspectes pour les remettre à Ebata une fois son contrôle terminé.

Et le généreux congolais ne serait pas le seul : des officiels du Qatar et d’Arabie Saoudite auraient utilisé le même système de corruption pour éviter les contrôles. Il pourrait y en avoir bien d’autres : l‘aéroport du Bourget, en Seine-Saint-Denis, est le lieu discret où préfèrent atterrir milliardaires du CAC 40, célébrités, diplomates et escrocs de toutes les nationalités. Jusqu’ici, aucun élément de cette histoire inquiétante n’avait fuité, alors que les premiers soupçons remontent à 2015. Et pour cause : l’affaire a été enterrée. Tandis que les policiers en cause sont invités à l’hôtel George V ou au Four Seasons à New York, la justice n’a pas été informée de ces dossiers potentiellement explosifs. Les responsables de l’époque disent ne pas se souvenir des faits. La suite de notre enquête sur les millions envolés d’Orion Oil va peut-être rafraîchir les mémoires.