Ce film ne pouvait pas sortir en salles à un meilleur moment. L’acteur principal de l’Histoire de Souleymane est un jeune Guinéen, Abou Sangare, qui vit depuis sept ans à Amiens sans papiers, après trois refus de régularisation alors même qu’une entreprise locale, dans une activité en tension, est prête à lui offrir un CDI. Abou Sangare a été ovationné à Cannes quand il s’est vu décerner le prix du meilleur acteur par le jury d’Un certain regard. Incroyable pied de nez à l’actualité politique française alors que l’extrême droite, qui a besoin de faire oublier ses erreurs de casting parmi ses nouveaux élus et la menace judiciaire qui plane sur sa patronne, agite le fantasme de la submersion migratoire, et que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui piaffe depuis tant d’années pour être ministre, donne aussi dans la surenchère.
Interview
Depuis son succès à Cannes, Sangare a été informé qu’il pouvait déposer une nouvelle demande de régularisation à la préfecture. Il est fort possible que le jeune homme obtienne ses papiers. Mais combien de Sangare sont dans le même cas sans avoir la chance qu’une mise en avant médiatique puisse améliorer leur sort ? Combien de sans-papiers intégrés dans la société, c’est-à-dire dotés d’un travail et d’une famille, vivent au quotidien avec la menace d’une expulsion ? Régulariser celles et ceux qui travaillent serait déjà un premier pas. En décembre, le patron du Medef lui-même avait tiré la sonnette d’alarme : la France aura besoin de près de 4 millions de travailleurs étrangers d’ici à 2050 si elle veut maintenir ses modèles économique et social. Lisez l’interview de Sangare que nous avons recueillie, elle est poignante. Le jeune Guinéen ne rêve pas d’Hollywood, il rêve juste de pouvoir intégrer l’entreprise de mécanique qui lui propose du travail.