Notre-Dame de Bétharram, il ne connaît pas, ou si peu. Ce sont des «mensonges», ou tout au moins des «polémiques artificielles». Avec une désinvolture qui frise l’inconscience politique, le Premier ministre, François Bayrou, continue de nier toute implication dans le scandale de cet établissement privé catholique du Béarn, où des centaines d’enfants pourraient avoir été victimes de violences, y compris sexuelles. Tout le monde dans le coin le savait, et pendant des années on disait à des enfants chahuteurs : «Si tu continues, je te fous à Bétharram.»
Que savait le Premier ministre de ces sévices institutionnalisés, et qu’a-t-il fait pour y mettre fin, lui qui a été ministre de l’Education, président du département, lui qui était aussi – et a tenu à le rester – maire de Pau ? La commission d’enquête parlementaire sur les violences et les contrôles de l’Etat dans les établissements scolaires voudra le savoir lors de son audition, le 14 mai. Cherchant à démentir de possibles liens avec le prêtre au centre des accusations, le Premier ministre utilisait une formule pour le moins confuse : «Ma femme connaissait le père Carricart, mais je ne connais pas tous ceux que ma femme connaît.» Nos journalistes ont pourtant retrouvé leurs traces communes dans les archives de l’établissement maudit, qui n’ont pas fini de livrer leurs secrets. Notre enquête révèle également que François Bayrou avait été choisi en 1985 par la région Aquitaine pour siéger au conseil d’administration de l’école, dix ans avant qu’il n’accorde de larges subventions publiques à Bétharram via le département qu’il dirigeait. «Il n’y a aucun nouvel élément» et «j’ai donné sur cette affaire tous les éléments», avait déclaré le Premier ministre le mois dernier, d’un ton visiblement excédé. Il ne peut pourtant être aussi excédé que les victimes qui cherchent vainement à faire éclater un scandale étouffé depuis si longtemps.