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Libération
L'édito

Affaire des financements libyens : un procès d’Etat

Nicolas Sarkozy est jugé à partir de ce lundi dans une tentaculaire affaire de corruption liée à un supposé financement de sa campagne de 2007 par le régime de Kadhafi.
Nicolas Sarkozy et Muammar al-Kadhafi à l’Elysée en décembre 2007. (JACKY NAEGELEN/Plus Reuters, Contacter photogra)
publié le 5 janvier 2025 à 20h04

Condamné définitivement à trois ans d’emprisonnement, dont un ferme sous bracelet électronique, dans l’affaire «Paul Bismuth», Nicolas Sarkozy est jugé, à partir de ce lundi, dans l’affaire où il risque bien plus encore, celle du financement libyen présumé de sa campagne présidentielle de 2007. Mais avec lui comparait tout un système politico-financier très français, allégoriquement représenté par toute une galerie de coaccusés, présumés innocents dont la défense alambiquée est souvent tout aussi révélatrice : trois anciens ministres, Brice Hortefeux, Claude Guéant et Eric Woerth ; deux intermédiaires sulfureux, Ziad Takieddine et Alexandre Djouhri ; un cadre-dirigeant d’Airbus, Edouard Ullmo ; et bien d’autres encore, dans le procès-fleuve d’un possible pacte de corruption entre le clan sarkozyste et la dictature libyenne.

Tableaux et chambre forte

Après plus de dix ans d’investigations judiciaires et de révélations de presse (y compris de Libération, mais principalement de Mediapart), l’ancien président de la République est donc jugé pour «corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens». Malgré la gravité des faits, la lecture de notre décryptage pourrait évoquer une pièce de Feydeau. Le directeur de cabinet de Sarkozy, Claude Guéant, pourrait-il vraiment avoir reçu 500 000 euros pour deux petits tableaux non signés d’un artiste flamand oublié ? (version Feydeau : «Il y a là surtout quelques toiles… Entre autres un Corot fils et un Rousseau cousin, vraiment, ce n’est pas la peine d’avoir des maîtres eux-mêmes», explique Pontagnac, pour renchérir : «Les musées n’en ont pas de comme ça… Heureusement !») Et cette chambre forte à la BNP, était-elle vraiment destinée à protéger les discours du candidat ? Et quid de ces nuits offertes au Ritz ? Feydeau avait la réponse : «C’est mal ce que je fais… J’ai des remords. J’ai des remords, mais je ne les écoute pas». Au tribunal correctionnel de Paris, l’acoustique risque d’être bien différente.