Menu
Libération
L'édito

Alexeï Navalny est mort, mais sa détermination fait vivre l’espoir

Un entretien donné par l’opposant russe en 2020, et que «Libération» publie avec LCI, témoigne du courage qui était le sien avant de retourner dans son pays natal, où il savait sa vie menacée.
Extraits de l'audition d'Alexeï Navalny avec Jacques Maire, le 17 décembre 2020 à Berlin. (Jacques Maire)
publié le 6 mars 2024 à 20h15

«S’ils me tuaient, cela ne changerait rien, car il y a d’autres personnes qui sont prêtes à me remplacer», affirmait Alexeï Navalny le 17 décembre 2020 à Jacques Maire, alors membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans une vidéo que nous vous proposons en exclusivité sur notre site, en partenariat avec la chaîne LCI. Cette déclaration d’outre-tombe du principal opposant à Vladimir Poutine, recueillie un mois avant un retour en Russie d’où il ne reviendrait jamais, est à la fois glaçante et pleine d’espoir. Glaçante car elle montre que Navalny savait très bien qu’il risquait de mourir en regagnant son pays. Son bras de fer avec Poutine a été une épreuve de force entre deux blocs de granit, deux hommes déterminés à faire plier l’autre, sauf que l’un s’appuyait sur un système policier et une absence totale de morale quand l’autre était un homme seul, uniquement soutenu par ses convictions et son courage. L’issue en était écrite.

Le récit que Navalny fait de sa traque et de son empoisonnement est hallucinant : la façon dont il a été boycotté, blacklisté, à partir du moment où il a déclaré son intention de se présenter à l’élection présidentielle, son nom n’étant même jamais prononcé par l’autocrate russe ; ces chimistes qui l’ont filé des années durant, attendant le meilleur moment et la meilleure façon de l’empoisonner ; le choix du poison comme arme afin de terroriser et donc décourager tout opposant(e) potentiel (le) ; l’absence d’enquête russe sur la tentative de meurtre… Cette opération d’invisibilisation puis de destruction d’un potentiel rival, digne d’un groupe mafieux, montre surtout une chose : la peur bleue qu’inspirait Alexeï Navalny à Vladimir Poutine. Le président russe a fini par avoir sa peau, de la façon la plus lâche possible, en le faisant torturer en prison loin des caméras et des témoins, mais cette mort restera à jamais sa faiblesse. Et le culte dont la tombe de Navalny est l’objet depuis ses obsèques dans un cimetière de Moscou le montre bien : en mourant, l’opposant est devenu pour Poutine un rival éternel.