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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Attal et la colère des agriculteurs : le prix élevé de l’apaisement

Les agriculteurs en colèredossier
Le Premier ministre a su éteindre l’incendie, en abandonnant en rase campagne l’environnement et l’Europe.
Trebons-sur-la-Grasse, en Haute-Garonne, en 2015. (Remy Gabalda/AFP)
publié le 1er février 2024 à 20h46

La révolte agricole, qui occupait l’agenda politique depuis près de deux semaines, est donc suspendue mais pas sûr qu’elle soit totalement terminée. Les syndicats savent bien qu’une promesse politique lancée au cœur de la bataille n’engage souvent que ceux qui l’écoutent, et ils ont pris soin de fixer au gouvernement deux clauses de revoyure : dans un mois (au Salon de l’agriculture) et dans quatre mois (aux alentours des européennes). D’ores et déjà, on peut désigner deux grands vainqueurs et deux grands perdants de cette crise. Les deux vainqueurs sont Gabriel Attal et les syndicats agricoles majoritaires.

Le Premier ministre, qui affrontait sa première crise, a manifestement su trouver les mots et les leviers pour apaiser une profession profondément divisée mais mue par un même sentiment d’injustice et d’abandon. Une sorte de mise en pratique de ce que l’opération de com gouvernementale nous vend comme la méthode Attal, parler cash et agir vite. Les syndicats, de leur côté, ont obtenu des avancées qui ne sont pas minces sans recourir à la violence et sans se mettre la population à dos, bien au contraire.

Le mal-être agricole, qui passait sous les radars depuis de trop nombreuses années, est redevenu en quelques jours un sujet central. Mais ces victoires ont fait deux gros perdants, et non des moindres : l’environnement et l’Europe. L’environnement, ce n’est malheureusement guère une surprise. On sait Emmanuel Macron sensible aux arguments des lobbys économiques et, de toute évidence, son «mini-moi» est sur la même ligne. Jachère, pesticides, normes… les renoncements sont légion, la planète risque de s’en souvenir. Deuxième perdant, l’Europe. A la veille d’élections clés qui pourraient confirmer la montée en puissance de l’extrême droite sur le continent, voilà l’Europe accusée de tous les maux et le mot «souveraineté» remis au goût du jour, ce qui est hautement préoccupant. La victoire obtenue par Gabriel Attal est donc fragile. Agir vite et calmer la colère, c’est bien, sauf si cela doit acter un retour en arrière et fragiliser l’avenir.