Il y a les mots prononcés par Bruno Retailleau lundi 2 juin après l’attentat raciste perpétré dans le Var. Ils sont impeccables ou quasi. Le ministre de l’Intérieur a affirmé que «chaque crime raciste est un crime anti-Français», parlé de ce «poison qui tue», ajoutant que «la République ne fait aucune différence selon les origines, la couleur de peau, les religions». Mais il y a aussi les actes, le choix du lieu d’où l’on parle, le déplacement que l’on décide de faire ou de ne pas faire pour donner du poids à sa parole. Et si Bruno Retailleau peine à nous convaincre de sa sincérité, c’est, notamment, parce qu’il a pris la décision de ne pas se rendre sur place. Les arguments avancés pour se justifier n’étant pas très convaincants. Parler sur le perron de Matignon à la sortie d’une réunion sur la proportionnelle, avec sa casquette de patron des Républicains et Laurent Wauquiez à ses côtés, désolé, mais cela n’a pas la même force qu’un déplacement sur place. C’est un choix qu’une visite à l’ambassade de Tunisie ne répare pas. D’aucuns diront que se déplacer n’aurait eu qu’une valeur symbolique… Mais cela compte les symboles !
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Défendre les valeurs républicaines, Pierre Nora nous l’a magistralement appris, passe très souvent par des actes symboliques. Si Bruno Retailleau s’y est refusé, c’est en réalité pour ne pas symboliquement appuyer sur la contradiction entre ses mots de lundi soir et son discours habituel. Quand on attise à longueur de journée les haines, la peur de l’autre, quand son principal fonds de commerce politique consiste à brandir une identité française fantasmée, quand on a en partage bon nombre d’idées avec l’extrême droite, il n’est pas facile d’être audible, comme ministre de l’Intérieur, quand c’est cette extrême droite là qui est pointée par le parquet antiterroriste. Ses extensions radicales en tout cas.
Pour rappel, avec douze attentats déjoués depuis 2017, l’extrême droite reste la deuxième menace terroriste en France derrière le jihadisme.