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Libération
Edito

Attentat de Nice: à la justice de se montrer à la hauteur

Procès de l'attentat du 14 juillet de Nicedossier
Le procès qui s’ouvre demain à Paris doit permettre de donner aux victimes une voix pour exprimer leur immense douleur. Et faire triompher l’Etat de droit face à la terreur aveugle.
Sur la promenade des Anglais, à Nice, le 16 juillet 2016, deux jours après l'attaque terroriste au camion, qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés. (Olivier Monge/myop pour Libération)
publié le 4 septembre 2022 à 20h19

Le terroriste de l’attaque de la promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet 2016, avait une seule idée : faire un maximum de victimes. Au volant du 19-tonnes loué trois jours plus tôt, phares éteints, Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait visé entre autres un groupe d’enfants devant un étal de bonbons. Et pourtant, ses victimes furent vite oubliées ou confondues avec d’autres, présentées jusqu’à maintenant comme une masse uniforme, dont on ne retenait que les statistiques, certaines sidérantes, d’autres incohérentes, toutes macabres : 86 morts, dont 15 enfants et adolescents. Un tiers d’entre elles étaient musulmanes, se plaît-on à rappeler. Plus de 400 blessés, dont beaucoup souffrent toujours de séquelles, et des centaines d’autres suivis pour des traumatismes, dont 694 mineurs.

Six ans après s’ouvre, ce lundi, le procès de cet attentat devant la cour d’assises spécialement constituée de Paris. Les parties civiles en attendent beaucoup, espérant bien pouvoir enfin donner aux victimes une voix, un visage, une personnalité qui pourrait aider au long travail de reconstruction. Mais voilà, comme lors du procès du «V13», dans la même salle spécialement construite pour accueillir celui des attentats du 13 novembre, achevé en juin, le processus judiciaire doit donner la parole avant tout aux accusés. Le terroriste ayant été tué par les policiers, on trouvera dans le box huit accusés, proches de Mohamed Lahouaiej Bouhlel ou soupçonnés de lui avoir fourni des armes retrouvées dans l’habitacle du camion. Comment coexisteront ces deux réalités à la dissymétrie vertigineuse, entre d’un côté les accusés faisant figure de comparses et, de l’autre, l’immensité du chagrin et la colère des parties civiles ? En opposant à la terreur aveugle la stricte application de sa justice, comprenant les droits de ces deux contraires, la France se montrera à la hauteur du défi lancé par ses ennemis.