Après quelques heures de sidération et d’incompréhension devant ce qui semble être un grossier détournement de la réalité, les Vénézuéliens ont fini par laisser exploser leur colère. Une fois de plus, Nicolás Maduro tenterait de se jouer d’eux, annonçant sa victoire à la présidentielle alors que les résultats revendiqués par l’opposition montrent l’inverse. Le chef de l’Etat confirme sa dérive autoritaire. Pour lui, les chiffres semblent n’avoir aucune valeur, seule compte sa propre vérité : un refrain de plus en plus entonné par les autocrates de la planète. Elu sur le fil en 2013 à la mort d’Hugo Chávez, dont il était le vice-président, réélu de façon contestée en 2018, régulièrement mis en cause lors de manifestations violemment réprimées, cet ex-chauffeur de bus politiquement formé à La Havane est parvenu à se maintenir au pouvoir en terrorisant tous ceux qui osaient s’opposer à lui, et en se ménageant l’appui de l’armée.
Cette fois, si les militaires semblent encore le soutenir, ce sont les habitants des quartiers populaires qui pourraient faire basculer la situation. Absents des derniers mouvements de contestation, ils se révoltent depuis lundi soir, usés par des années de mensonges et de misère alors que les dirigeants voient ruisseler l’argent du pétrole. Ils semblent prêts à tout, et même à risquer la mort, pour voir tomber Nicolás Maduro. La communauté internationale, elle, est divisée entre les traditionnels soutiens (Moscou, Pékin, La Havane…) et tous ceux qui, de plus en plus nombreux et Etats-Unis en tête, ont émis des doutes sur le bon déroulé de ce scrutin. C’est que le Venezuela est un pays clé. Il possède les plus grosses réserves de pétrole au monde, devant l’Arabie Saoudite, mais la nationalisation du secteur et les sanctions américaines ont considérablement fragilisé ses moyens de production. Une victoire de l’opposition permettrait de lever ces sanctions et de rouvrir le pays aux investisseurs occidentaux. Les heures et les jours qui viennent vont être cruciaux : que l’armée cède aux pressions de la rue et Nicolás Maduro tombera. Qu’elle le protège encore, et il continuera à écraser le pays de toute sa morgue et son pouvoir.