Une coïncidence pour tremplin ? Sur le perron de Matignon, François Bayrou, Béarnais comme chacun sait, a fait une allusion plaisante à l’ironie qui le voit accéder à Matignon un 13 décembre, jour de la naissance de son «ami» Henri IV, cette figure pour lui si importante dans l’histoire de France, ce «roi libre» à qui il a consacré un livre et dont il entend épouser le legs sur «la réconciliation nécessaire» des Français. Si par réconciliation, le nouveau Premier ministre entend briser ce «mur de verre» qui s’élève aujourd’hui entre bon nombre des citoyens et le pouvoir et ses représentants, il est difficile de lui donner tort. On lui souhaite bon courage, mais il y a urgence. Si par réconciliation il entend en revanche prolonger la matrice originelle du macronisme qui a prospéré sur la mort du clivage gauche-droite, il est, en bon centriste, à la fois bien placé pour l’incarner, mais surtout pour méditer sur les limites, voire les dégâts plus que collatéraux que l’expérience Macron a produits sur le paysage politique français. C’est d’ailleurs un des paradoxes de la nomination de François Bayrou : il est l’un des alliés, depuis le départ, du chef de l’Etat. Mais leur compagnonnage n’a pas toujours été, loin de là, un long fleuve tranquille. Et les conditions rocambolesques de sa nomination – en fait non, puis en fait si – en disent aussi long sur la relation que ces deux-là entretiennent. Emmanuel Macron a peu goûté, sinon la cohabitation, du moins l’indépendance que lui a imposée Michel Barnier. Il pourrait être servi avec François Bayrou. La vraie question posée par sa nomination : de quel côté le centriste va-t-il regarder ? A droite ? A gauche ? Après l’impasse Barnier, qui lui a tourné le dos, il est assez évident que des signaux devront être envoyés à la gauche. L’histoire politique du pays raconte que le centre a toujours tendance à tomber à droite. L’expérience Macron le prouve. Bayrou, dont les relations par exemple avec Nicolas Sarkozy ont été exécrables, pourra-t-il être celui qui démentira l’adage ?
L'édito de Paul Quinio
François Bayrou à Matignon, du pareil au Modem
Lors de la passation de pouvoir à Matignon entre Michel Barnier et François Bayrou, le 13 décembre 2024. (Albert FACELLY/Libération)
par Paul Quinio
publié le 13 décembre 2024 à 21h10
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