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Libération
L'édito de Paul Quinio

Bayrou et la submersion d’extrême droite

En suivant les chemins de l’extrême droite sur le terrain de l’immigration, le Premier ministre commet une faute qui pourrait placer sa survie politique, comme celle de Michel Barnier avant lui, entre les mains du RN.
François Bayrou à l'Assemblée, le 22 janvier. (Thibaud Moritz/AFP)
publié le 29 janvier 2025 à 21h05

Les Français qui se font soigner à l’hôpital par des médecins étrangers ont-ils le «sentiment» d’une «submersion migratoire» ? Les maires ruraux trop contents de sauver leur école grâce à la présence dans leur commune de familles immigrées ont-ils le «sentiment» d’une «submersion migratoire» ? Les chefs d’entreprise dont l’affaire ne fonctionne que grâce à une main-d’œuvre étrangère, voire parfois des salariés sans papiers, ont-ils le «sentiment» d’une «submersion migratoire» ? Les étudiants qui s’enrichissent intellectuellement et culturellement grâce à la présence dans les couloirs de leur université de camarades étrangers ont-ils le «sentiment» d’une «submersion migratoire» ?

Arrêtons là cette liste. Même aussi courte, elle suffit à faire la démonstration de la faute commise par François Bayrou qui, à la télé lundi puis mardi à l’Assemblée nationale, a repris sans sourciller le vocabulaire d’une extrême droite maladivement anti-immigration, et d’une droite dure qui lui emboîte chaque jour un peu plus le pas. En parlant de la sorte, François Bayrou confirme l’influence grandissante pas seulement du vocabulaire mais aussi des idées nauséabondes des franges les plus réactionnaires.

Considérer que François Bayrou commet là une faute ne signifie en rien qu’une régulation de l’immigration n’est pas souhaitable, ou qu’un pays désireux de contrôler ses frontières dériverait nécessairement vers un régime de nature totalitaire. C’est tout simplement considérer que les faits, les chiffres, démentent ce «sentiment» dont parle le Premier ministre. Et qu’hystériser le débat migratoire relève d’un projet politique qu’on ne savait pas conforme aux valeurs humanistes dont se réclame le leader centriste. Quant au choix tactique du Premier ministre, encalminé dans une discussion budgétaire à haut risque pour sa survie à Matignon, de chercher à surfer sur cette fausse vague submersive, elle laisse perplexe. Sauf à penser que François Bayrou fait la même erreur que Michel Barnier en acceptant d’être aux mains de l’extrême droite.