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Libération
L'édito de Paul Quinio

Bayrou et le budget : un 49.3 et inch’allah

Gouvernement Bayroudossier
Le Premier ministre a prévenu qu’il userait du 49.3 à l’Assemblée ce lundi 3 février pour adopter le budget au risque d’une censure et dans une atonie qui confirme que la politique française ne tourne vraiment pas rond.
Le Premier ministre, François Bayrou, à l'Assemblée, le 16 janvier. (Albert Facelly/Libération)
publié le 2 février 2025 à 20h39

Une bien étrange ambiance… Un long dimanche qui ne nous dit rien qui vaille… Une sorte de calme avant la tempête ? En tout cas, alors que le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé dans les colonnes de la Tribune dimanche qu’il allait recourir ce lundi 3 février à l’article 49.3 pour valider le budget adopté en fin de semaine en commission mixte paritaire, et donc que son gouvernement sera mercredi à la merci d’une motion de censure, il était étonnant de constater la torpeur du Landerneau politique. Torpeur que la pause dominicale ne suffit pas à expliquer.

Lassitude de l’opinion

Comment interpréter cette atonie politique, alors que le pays passera possiblement en milieu de semaine d’une situation de crise politique à une situation de crise de régime, et que cette paralysie potentielle intervient alors que les nouvelles qui nous parviennent chaque jour des Etats-Unis devraient faire grand bruit ? C’est d’abord une confirmation que la politique française ne tourne pas rond, en tout cas qu’elle tourne à vide, sur elle-même. Le décalage entre l’importance des enjeux sur la table, notamment budgétaire, et le désintérêt manifesté par l’opinion est compréhensible. Les Français sont lassés. Il n’en demeure pas moins inquiétant. Le RN l’a d’ailleurs très bien compris… La lassitude de l’opinion et l’aggravation de la crise politique sont pour lui des carburants. Donc le RN ne dit rien, ou si peu. Ni sur le fond des arbitrages budgétaires qui ont été faits, ni sur sa tactique politique, censure ou pas censure du gouvernement Bayrou ? L’histoire récente nous a appris qu’une telle décision, à l’extrême droite, pouvait sortir d’une pochette-surprise. Elle n’aura à l’arrivée pas grand-chose à voir avec la trajectoire budgétaire du pays, mais tout avec les intérêts particuliers du RN et de sa cheffe à accentuer ou pas le bazar.

Le silence des socialistes dimanche ? Il est lui révélateur de la tempête qui sévit sous les crânes roses. Derrière la décision de censurer ou pas se cache pour eux des enjeux cruciaux. Ils sont de trois ordres : répondre à la demande de stabilité que réclame l’opinion (donc pas de censure), assumer la prise de distance avec La France insoumise (donc pas de censure), maintenir son unité (c’est là que cela se complique un peu). La balance semble pencher vers l’esprit de responsabilité suggéré par Lionel Jospin. Une chose est sûre : si l’avenir de François Bayrou se joue cette semaine, celui du visage de la gauche est aussi sur la table.