Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, planifiés pour novembre 2022 pour être repoussés in extremis, les Etats généraux du droit à l’information s’ouvrent ce mardi 3 octobre dans un contexte bien différent de celui imaginé par le chef de l’Etat. Le but de ce grand événement à la française – presque un an de discussions à travers l’Hexagone, participation citoyenne ouverte et comités de travail sujets à des pressions de tout bord – était à l’origine de sacraliser le droit à l’information de qualité face à ses ennemis supposés : «Fake news, deepfake, intelligence artificielle, ingérences, mutation des modes de consommation par écran interposé, distanciation du rapport à la vérité», comme le détaille le site de l’Elysée. Deux événements majeurs ont chamboulé ces dernières semaines ce programme convenu : d’un côté, la mainmise brutale de Vincent Bolloré sur le Journal du dimanche, suivie par la nomination forcée à la tête de sa rédaction d’un journaliste et militant d’extrême droite, Geoffroy Lejeune ; et de l’autre, la garde à vue choquante d’une journaliste d’investigation reconnue, Ariane Lavrilleux, pour découvrir la source qui lui aurait permis de publier dans Disclose une enquête effarante sur une opération de renseignement militaire française soupçonnée d’avoir été détournée par l’Etat égyptien pour bombarder des civils.
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Face à la gravité de ses révélations, enquêter sur les sources de notre consœur équivaut à punir un chien de garde qui aboie trop fort face au danger qui s’approche. Elle a pourtant été placée près de quarante heures en garde à vue, laquelle s’était ouverte par dix heures de perquisition à son domicile. Tout démocrate qui se respecte se doit de protester devant ce détournement des lois antiterroristes, au mépris de la loi sur la liberté de la presse datant de 1881. Et la détresse des journalistes du JDD, dont la plupart ont dû quitter leur journal après quarante jours d’une grève historique, rappelle que l’interventionnisme de certains propriétaires de presse est une atteinte tout aussi grave au droit à l’information que l’atteinte au sacro-saint secret des sources. Albert Camus l’avait pressenti le 1er septembre 1944 : «Toute réforme morale de la presse serait vaine si elle ne s’accompagnait pas de mesures politiques propres à garantir aux journaux une indépendance réelle vis-à-vis du capital.» Voilà pour nous les deux menaces directes à la liberté d’informer en France, et voilà donc les deux sujets dont les Etats généraux doivent s’emparer, bien avant tout autre.