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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Bruno Le Maire règle ses mauvais comptes

«Libération» a mené l’enquête sur le fiasco budgétaire qui a conduit à la crise politique et financière actuelle. Et le résultat est accablant pour l’ex-ministre de l’Economie, comme pour Emmanuel Macron.

Bruno Le Maire, le 25 avril 2023. (Florence Brochoire/Libération)
Publié aujourd'hui à 20h43

C’est une des grandes énigmes politiques de ces dernières années, qui n’en manquent pourtant pas. Bruno Le Maire. Comment cet homme très policé aux airs de premier de la classe, davantage attiré par les lettres que par les chiffres, et malgré tout personnage clé du dispositif Macron durant les sept ans et quatre mois où il a détenu le prestigieux portefeuille de Bercy – sans pour autant faire partie du premier cercle du chef de l’Etat –, homme passe-muraille aux cols roulés beiges et noirs, dont les seules folies se résument à une ou deux scènes de sexe salées dans ses romans, a-t-il pu devenir en quelques mois, voire quelques semaines, ce pestiféré capable de faire sauter un gouvernement par sa seule présence ?

L’ampleur du déficit découverte à son départ est un début d’explication, bien sûr. Mais le déficit d’un pays, a fortiori d’un pays dirigé par un personnage comme Emmanuel Macron, mi-control freak, mi-enfermé dans une sorte de déni permanent, ne peut pas être de la responsabilité d’un seul homme. Nous avons voulu comprendre en redéroulant le film du septennat de Bruno Le Maire à Bercy, en l’interrogeant longuement ainsi que certains des personnages clés de son entourage, de son administration mais aussi de Matignon ou de l’Elysée. Et le résultat donne une enquête accablante pour le fonctionnement du pouvoir exécutif quand les ambitions personnelles, les lâchetés, et l’absence de sens de l’Etat sont de la partie.

Emmanuel Macron, par son ego et parfois sa légèreté, voire son dilettantisme, son côté «l’intendance suivra», est le principal responsable de la situation actuelle. Mais Bruno Le Maire, trop sûr de lui, accro au pouvoir et désireux de préserver ce qu’il pensait être un destin présidentiel mais qui n’était qu’une ambition forcenée, n’a pas su ou voulu voir ce qui sautait aux yeux et surtout taper du poing sur la table quand il en était encore temps, ce qui était son rôle. Cela dit, le pire de l’histoire, c’est qu’il n’y ait eu aucun garde-fou pour éviter un tel naufrage.