Menu
Libération
Edito

Chasse : dans les campagnes, le refus du statu quo

Alors que le procès du chasseur responsable de la mort de Morgan Keane en 2020 s’ouvre ce jeudi, l’opposition à cette pratique soutenue par le gouvernement s’accroît.
A Lattes (Hérault), le 17 novembre 2021. La ville y a grignoté la campagne, et les tensions se multiplient entre chasseurs et habitants. (David Richard/Transit pour Libération)
publié le 15 novembre 2022 à 20h57

Ils ne se connaissaient pas. L’un coupait du bois devant sa maison dans le Lot, l’autre se promenait sur un sentier banalisé dans le Cantal ; tous deux avaient 25 ans et ont été tués par un tir de chasse à un an d’intervalle. Pourquoi, de toutes les nombreuses victimes de ce hobby forcément meurtrier, la mort en 2020 de Morgan Keane, enfant de Villefranche-de-Rouergue, et celle en 2021 de Mélodie Cauffet, de Flagnac dans l’Aveyron, ont frappé l’opinion ? Sans doute parce que ces victimes ont été immédiatement perçues comme innocentes, contrairement à la majorité des morts d’accidents de chasse, qui sont souvent des chasseurs eux-mêmes.

«Un sanglier, crut-il, et M. Trémollière, qui chassait, forêt de la Lare (B.-du-Rh.), tua dans un fourré le chasseur Cazalie», nous informe Félix Fénéon en 1906 dans le journal le Matin. Pour les chasseurs, la mort accidentelle fait partie du jeu, et ce depuis la loi du 10 juillet 1964, qui leur permet de chasser sur des terres sans le consentement de leurs propriétaires, renversant les restrictions très sévères que Napoléon avait mises en place en 1810. A laquelle des époques faut-il maintenant revenir ?

Le procès du chasseur responsable de la mort de Morgan Keane s’ouvre ce jeudi sur fond de grandes interrogations dans le monde rural, dont les enfants refusent de continuer à accepter comme allant de soi les tirs incessants et les accidents fréquents qui empoisonnent leurs vies. L’idée d’interdire la chasse les week-ends et jours fériés, d’abord lancée par Yannick Jadot, fait son chemin au Parlement, tandis que le gouvernement, hypnotisé par le mythe d’un passe-temps démocratique et rural, cherche son sempiternel «en même temps» sur ce sujet.

Pour l’instant, rien n’a donc changé pour les chasseurs, si ce n’est une hausse vertigineuse de leurs subventions. L’Etat leur a versé 46 millions d’euros en 2021. Avant l’élection d’Emmanuel Macron, cette subvention ne dépassait pas 30 000 euros par an. A ce prix-là, les accidents mortels ne sont pas près de disparaître.