Menu
Libération
L'édito de Dov Alfon

Chez LVMH, la face cachée du made in Italy

Via un jeu de sous-traitances, l’industrie du luxe n’hésite pas à produire aussi dans des ateliers clandestins en Italie. A l’image de Loro Piana, propriété de Bernard Arnault placée sous «administration judiciaire» pour «négligences».
Loro Piana appartient au groupe LVMH de Bernard Arnault. (Kelly Sullivan/Getty Images. AFP)
publié le 18 août 2025 à 20h52

Il est le soldat inconnu de l’industrie du luxe, son anonymat préservé par la justice italienne. Pendant plus de dix ans, il a enchaîné des journées de 13 heures dans un entrepôt clandestin dans la banlieue de Milan pour confectionner des vêtements griffés Loro Piana, que s’arrachaient Gwyneth Paltrow, David Beckham ou Oprah Winfrey.

Selon des documents judiciaires rendus publics le mois dernier, cet ouvrier clandestin était rétribué 1 500 euros par mois – soit à peu près un dixième du prix d’un seul manteau en cachemire de Loro Piana. L’Histoire nous rappelle que le salaire mensuel d’un palefrenier dans les grandes écuries de Louis XVI était plus bas que le coût du repas quotidien qu’il présentait au cheval dont il avait la garde.

L’enquête que nous publions aujourd’hui démontre l’existence d’une main-d’œuvre souterraine et invisible, ouvriers inconnus employés par des sous-traitants de sous-traitants et constituant la face cachée de nombreuses maisons de luxe françaises et italiennes.

Le principal profiteur, lui, n’est pas inconnu : Loro Piana appartient au groupe LVMH de Bernard Arnault, qui avait d’ailleurs nommé à la tête de la compagnie en mars son fils Frédéric. Le talent managérial combiné du père et du fils n’aurait pas suffi à remarquer que leur sous-traitant chinois, Evergreen Fashion Group, ne fabriquait leurs produits de luxe que par le biais d’une sous-sous-traitance de main-d’œuvre «au noir et clandestine, vivant dans des conditions de travail insalubres et dangereuses», comme nous l’explique le procureur italien menant l’enquête.

Des quatre compagnies de luxe placées sous administration judiciaire par le tribunal de Milan, trois sont en réalité françaises, appartenant à LVMH (Dior et Loro Piana) et à Kering (Valentino). La «simplification» des directives européennes en matière de durabilité et de traçabilité adoptée en février ne pourra qu’encourager certaines boîtes de luxe de continuer leurs pratiques honteuses.