Menu
Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

Colère des agriculteurs : le baptême du foin de Gabriel Attal

Les agriculteurs en colèredossier
Si l’exécutif a enfin compris que le monde agricole souffrait d’un manque de reconnaisance, les dix mesures promises par le Premier ministre ne doivent pas être un prétexte pour s’asseoir sur toutes les normes environnementales.
Le Premier ministre, Gabriel Attal, à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), ce vendredi 26 janvier 2024. (Nacho Doce/Reuters)
publié le 26 janvier 2024 à 20h40

C’est «le début d’un sursaut», a annoncé Gabriel Attal ce vendredi 26 janvier en résumant les différentes mesures annoncées pour calmer la colère des agriculteurs. Ce début-là sera-t-il suffisant pour mettre fin à un mouvement social qui menace de s’installer ? Beaucoup, sur les blocages, semblaient dans la soirée le prendre au mot, considérant ces annonces, en effet, comme un simple début. Pas nul mais pas suffisant. Pas assez convaincant pour que les tracteurs reprennent tous le chemin des exploitations. Le Premier ministre, qui faisait face à sa première grande crise sociale, n’a pourtant pas lésiné sur les mots, répétant à plusieurs reprises qu’il avait décidé de «mettre l’agriculture au-dessus de tout» sans vraiment expliquer ce qu’il entendait par là (au-dessus de l’éducation, des hôpitaux, des armées, de la justice… de l’écologie ?) et insistant sur la proximité entre les mots «pays» et «paysan».

L’exécutif a enfin compris que le monde agricole a d’abord besoin de reconnaissance. Mais cela suppose-t-il de s’asseoir sur toutes les contraintes environnementales ? Celles et ceux qui se soucient des dommages causés à la nature par certaines pratiques agricoles ont sans doute frémi en entendant Gabriel Attal s’insurger contre «les discours culpabilisateurs qui vous désignent comme ennemis» ou «celles et ceux qui opposent défense des agriculteurs et défense de l’environnement». Certes, il n’est pas question d’opposer les uns aux autres mais il est à craindre que, sous la pression de la FNSEA, l’écologie soit la grande sacrifiée sur l’autel de la «simplification des normes», ce qui serait une aberration tant le modèle agricole actuel est à bout de souffle. L’Europe, heureusement, n’a pas été passée à la trappe, comme le réclame de façon lunaire et totalement à côté de la plaque le Rassemblement national. «Sortir de l’Europe, c’est se passer de 9 milliards par an pour l’agriculture», a rappelé le Premier ministre qui a par ailleurs mis une énorme pression sur les industriels et les supermarchés, un coup de sang salutaire tant ceux-ci contribuent depuis des années à l’appauvrissement et au désespoir des agriculteurs.