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Libération
L'édito de Dov Alfon

Comme Francis Ford Coppola, il faut sauter dans le vide et y croire

L’entretien fleuve mené par les journalistes de «Libération» avec le cinéaste, qui revient après treize ans d’absence avec l’autofinancé «Megalopolis», fait émerger l’idée que son œuvre peut arrêter le temps.
Francis Ford Coppola, le 16 septembre 2024 à Paris. (Jérôme Bonnet/Modds pour Libération)
publié le 20 septembre 2024 à 21h23

C’est d’abord l’histoire d’un pari personnel : personne ne voulait produire son nouveau film, Francis Ford Coppola l’a donc financé lui-même, engloutissant 120 millions de dollars dans Megalopolis, une folie cinématographique dans tous les sens du terme. Il lui a donc fallu vendre une grande partie de ses vignobles, faire travailler ses enfants et petits-enfants, économiser des heures de salaire des acteurs en renonçant aux répétitions et se concentrer sur le montage comme planche de salut. «Ce film est bourré de tout, tout ce que j’ai aimé au cinéma depuis que je suis tout gamin. J’ai délibérément essayé de mettre dans ce film tout ce que j’ai vu dans les films, parce que ça vit en moi», nous dit celui que beaucoup considèrent comme le plus grand cinéaste vivant. On pourrait s’amuser à reconnaître les citations, les inspirations, les séquences et les clins d’œil, mais cela prendrait des années. Quarante ans après qu’il a commencé à ébaucher cette histoire d’amour fantasmagorique autour d’une ville toute puissante qui est New York comme elle est Rome antique, le film sort enfin sur les écrans en France. L’entretien mené par les journalistes de Libération avec Coppola, un peu comme le film lui-même, part dans tous les sens mais fait émerger une idée principale, aussi mégalomane que lui : son œuvre peut arrêter le temps. L’homme qui ne voulait pas faire le Parrain, et qui nous confirme avoir balancé par la fenêtre tous ses oscars, verrait volontiers son 23e film avoir le destin de Finnegans Wake de James Joyce, ou de Carmen de Bizet, car l’incompréhension d’une œuvre est le signe de sa grandeur. L’endettement personnel n’est rien à côté, il faut sauter dans le vide et y croire. «Les gens ont peur de le faire», concède Coppola, ajoutant immédiatement : «Pas moi.» On s’en doutait un peu, avant même de voir le film.