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Libération
L'édito de Paul Quinio

Condamnation de Marine Le Pen : après les accusations de scandale judiciaire, une nécessaire défense de l’Etat de droit

Affaire des assistants: le RN en procèsdossier
Au-delà de l’avenir de la patronne du RN, reconnue coupable de «détournement de fonds publics» par des juges qui n’ont fait qu’appliquer le droit, les accusations de scandale judiciaire rappellent qu’une bataille doit se jouer pour protéger l’Etat de droit.
Marine Le Pen, le lundi 31 mars à Paris. (Denis Allard/Libération)
publié le 31 mars 2025 à 21h28

Un coup de tonnerre. La décision rendue par la justice dans l’affaire des assistants parlementaires du FN (devenu RN) au Parlement européen provoque sans surprise un séisme. Reconnue coupable et au cœur de la machinerie qui a permis au parti d’extrême droite de détourner plusieurs millions d’euros de fonds publics, Marine Le Pen ne sera peut-être pas candidate en 2027. La nouvelle, compte tenu de la qualité de la personnalité condamnée, est d’importance. La très probable absence de celle qui a trois candidatures présidentielles au compteur, qui fut deux fois qualifiée au second tour, et qui était jusqu’à lundi la candidate plus que probable d’une formation qui tient le haut du panier dans les sondages, est un événement majeur. Le paysage politique, c’est vrai, va s’en trouver chamboulé.

Est-ce pour autant un scandale politique, comme le chœur des soutiens de Marine Le Pen le laisse entendre ? Non. D’aucuns argumentent que la justice se serait substituée aux urnes. Mais lundi les juges n’ont pas condamné l’extrême droite, et ce courant de pensée – que Libération combat – ne sera en rien empêché d’être représenté en 2027. Foin donc du bâillon qui aurait prétendument été mis sur «les débats d’idées» légitimes avant toute présidentielle. Ces débats auront lieu, à charge bien sûr pour l’extrême droite de s’accorder d’ici là sur une figure pour l’incarner.

Quant au scandale judiciaire, orchestré par un «gouvernement des juges», tous de gauche, forcément de gauche, et partisans d’une justice politique ? Il est infondé. Et faire ce procès à la justice est très dangereux. Les juges, rappelons qu’ils étaient trois à statuer, n’ont fait qu’appliquer la loi, respecter le droit. Et il est assez cocasse de noter que ceux qui dénoncent une justice politique regrettent en réalité qu’elle ne l’ait pas été assez. Et les mêmes qui s’en prennent à longueur de temps au laxisme de l’institution judiciaire se sont empressés lundi de critiquer sa sévérité. C’est le signe que le droit n’est pas leur boussole.

Au-delà de l’avenir de Marine Le Pen, il s’est joué lundi quelque chose de plus important : une bataille autour de l’Etat de droit. Elle n’a pas surgi de nulle part à la faveur d’une décision de justice. Le terrain y est propice depuis un moment. Mais c’est bien, dans les semaines ou les mois qui viennent, cette bagarre-là qui va se jouer en France. Entre l’attachement des uns aux principes qui régissent le fonctionnement de notre démocratie. Ou les faveurs des autres pour des régimes autoritaires où le pouvoir politique pourrait chaque matin faire des bras de déshonneur à l’autorité judiciaire.