Certains s’en réjouissent. Pas nous. La condamnation jeudi 25 septembre de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison avec mandat de dépôt différé a sans doute provoqué ici ou là des réactions de joie, une bonne blague ici, des éclats de rire là, à tout le moins des sourires. Peut-être même dans son propre camp politique. Un ancien président de la République en prison, rendez-vous compte ! Réactions à courte vue. Car il faut prendre la mesure de cette décision de justice, qui constitue une première dans l’histoire de la Ve République. Elle vient confirmer, dans un moment de fragilité démocratique, à quel point le mal dont souffre aujourd’hui la politique française est ancien (les faits remontent à 2007), et donc profond. Car Nicolas Sarkozy pourra dire ce qu’il veut : il est évident que cette affaire de financement libyen de sa campagne électorale de 2007 n’aura pu que contribuer, comme d’autres affaires politico-financières qui ont concerné la gauche, l’extrême droite ou l’extrême gauche, à creuser ce fossé entre les Français et leurs représentants. Fossé dans lequel la démocratie française s’embourbe avec, à terme, un seul gagnant : l’extrême droite, qui n’a jamais été aussi proche du pouvoir. Et c’est évidemment un paradoxe puisqu’elle a aussi été condamnée…
Ce constat est injuste pour la grande majorité des hommes et des femmes politiques qui continuent de s’impliquer dans la vie de la cité et n’ont rien à se reprocher. Ils sont infiniment plus nombreux que ceux qui ont enfreint la loi comme Nicolas Sarkozy. Mais la démagogie et le populisme ne s’embarrassent pas de ces nuances. Derrière la condamnation de Nicolas Sarkozy, c’est le «tous pourris» qui progresse. Il n’y a aucune raison d’en rire. La seule raison de se réjouir est en réalité l’indépendance de la justice, cet autre pilier de nos équilibres démocratiques et institutionnels. Il suffit de jeter un œil outre-Atlantique pour se souvenir à quel point cette indépendance-là est précieuse. Mais aussi fragile…