L’opération pourrait s’intituler «Assez de concessions à la con», bien que son nom officiel, «Ambition France Transports», n’en laisse rien transpirer. Le Premier ministre, François Bayrou, se rend ce lundi 5 mai à Marseille pour lancer un plan centralisé du financement des transports à horizon 2040. Relance du rail, nouvelles lignes RER, régénération des infrastructures, fret fluvial – si les ambitions de l’opération ne manquent pas, son enjeu financier le plus explosif est certainement la décision concernant les concessions autoroutières, l’un des échecs les plus coûteux de la gouvernance de l’Etat au XXIe siècle. Nombre de politiques lorgnant la prochaine présidentielle, de Dominique de Villepin à Bruno Le Maire, traîneront encore longtemps ce boulet de 2006, la privatisation du réseau autoroutier français à prix cassé en concessions inaltérables, follement accordées pour trente ans. Pratiquement tous les garde-fous de l’économie française – la Cour des comptes, une commission d’enquête parlementaire, l’inspection générale des finances, une commission de contrôle du Sénat, l’Autorité de la concurrence et autres – ont depuis critiqué, parfois violemment, cette opération financière perçue comme une braderie irresponsable des bijoux de famille. Les concessions qui ont fait la fortune des actionnaires de Vinci, Eiffage et Albertis, les principaux opérateurs, arrivent enfin à terme entre 2031 et 2036. Le plan lancé aujourd’hui par Bayrou devra trancher entre un nouveau modèle de concession, pourtant difficilement envisageable, un retour au modèle d’économie mixte de 1973 ou une nationalisation pure et simple, qui alignerait le modèle français sur celui de la plupart de nos voisins. D’ici-là, les opérateurs doivent, en fin de contrat, rendre l’infrastructure à l’Etat «en bon état», en ayant fait tous les investissements qui étaient attendus de leur part. La première ambition du plan «Ambition France Transports» doit donc être de ne pas se faire rouler deux fois dans la même farine.
L'édito de Dov Alfon
Conférence sur l’avenir des autoroutes : ne pas se faire rouler une nouvelle fois
Au péage de Nice Saint-Isidore, sur l'autoroute A8, en 2018. (Laurent CARRE/Photo Laurent Carré pour Libér)
par Dov Alfon
publié le 4 mai 2025 à 20h53
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