L’exécution de six otages israéliens par le Hamas à Gaza a poussé des centaines de milliers d’Israéliens à descendre dans les rues dimanche soir, en signe de deuil et de colère. Un rare appel à la grève générale en Israël pour protester contre le non-retour des otages détenus à Gaza a entraîné des fermetures et autres perturbations dans tout le pays lundi, y compris dans son principal aéroport international. Les familles des victimes et une grande partie de l’opinion publique accusent le Premier ministre Benyamin Nétanyahou d’être indirectement responsable de ces assassinats, et affirment que les otages auraient pu être rendus vivants dans le cadre d’un accord avec le Hamas visant à mettre fin à la guerre qui dure depuis près de onze mois.
Faisant écho à ces protestations, le président américain Joe Biden a estimé lundi que Nétanyahou n’en faisait pas assez pour parvenir à un accord en vue de la libération des otages israéliens détenus par le Hamas dans la bande de Gaza, mais que cet accord était «proche». On aimerait partager son optimisme, mais le blocage n’est pas seulement le résultat de l’intransigeance du Premier ministre israélien : il reflète l’intérêt commun des deux ennemis en confrontation, Nétanyahou et le chef du Hamas, Yahya Sinwar, de prolonger le plus possible l’immobilisme meurtrier qui leur va si bien.
Pour Sinwar, un accord de cessez-le-feu signifierait l’impossible face-à-face avec la population palestinienne sur les conséquences du massacre qu’il a déclenché le 7 octobre 2023. Pour Nétanyahou, la fin des représailles d’Israël à Gaza signifierait la fin de vie de son «cabinet de guerre» et le retour à ses procès pour corruption. Pour la population civile, cet accord tacite entre les deux faux ennemis ne peut que mener à la continuation du désastre qui a déjà tué plus de 40 000 Palestiniens. Mais pour les leaders occidentaux, dont Joe Biden est le seul à avoir une influence sur Israël, ces pourparlers sans fin ont pour mérite de contenir la guerre et d’éviter l’embrasement régional que les marchés redoutent. C’est bien cela qu’ont compris les Israéliens, et c’est aussi contre ce calcul cynique qu’ils descendent dans les rues.