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Libération
L'édito de Dov Alfon

Couples européens : Erasmus, mon amour

Depuis sa mise en place en 1987, le programme universitaire européen est devenu l’un des succès majeurs de l’Union avec 15 millions de bénéficiaires. A deux semaines des élections européennes, rien ne symbolise plus l’Europe qui marche que ce projet.
3 000 étudiants formaient le premier contingent. (Collection personnelle)
publié le 24 mai 2024 à 20h14

C’est sans doute le film qui a le plus contribué à populariser ce projet européen un peu fou, et le scénario de Cédric Klapisch pour l’Auberge espagnole (2002) donne le ton dès le début : «Tout a commencé là, quand mon avion a décollé… Oh la la, c’est pas une histoire d’avion qui décolle… Ou plutôt si, c’est une histoire de décollage.» Et décollage il y a eu, puisque Erasmus (acronyme improbable de «EuRopean community Action Scheme for the Mobility of University Students») est d’après plusieurs sondages le projet le plus populaire qu’ait engendré l’Union européenne. Basé sur la simple idée de permettre à des jeunes d’étudier quelques mois dans un autre pays de l’UE, il a accouché de plus de 15 millions d’échanges et – selon une extrapolation pas tout à fait scientifique de Bruxelles – de plus d’1 million de bébés nés de couples formés lors de ces voyages.

Alors oui, l’euro est une réalisation bien plus importante, la PAC est bien mieux financée et Galileo aura demandé plus d’efforts, mais rien ne symbolise plus l’Europe qui marche qu’Erasmus. Nous avons retrouvé l’étudiante italienne qui, frustrée que l’université La Sapienza à Rome ne reconnaisse pas ses études à l’étranger, a enclenché le mouvement. A bientôt 90 ans, Sofia Corradi est restée une fervente militante du projet, finalement inauguré en 1987 par Jacques Delors et élargi depuis à d’autres pays : l’Islande, le Liechtenstein, la Macédoine du Nord, la Norvège, la Serbie et la Turquie en font aujourd’hui partie, même si l’Espagne continue d’être la destination préférée des étudiants français. Bien des obstacles ont dû être franchis – Margaret Thatcher menaçait en 1986 de ne pas approuver «cette absurdité enfantine» – avant qu’à peine 3 000 étudiants forment le premier contingent. Ils sont plus d’1 million par an aujourd’hui, et apparemment ces garçons et filles ne font pas qu’étudier. «Plus l’amour est parfait, plus la folie est grande», nous enseignait déjà en 1511 Erasme, prédisant le projet qui allait lui rendre hommage.