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Libération
L'édito de Lauren Provost

Crise de la maison individuelle : la fin d’un modèle devenu irresponsable ?

Crise du logementdossier
Le rêve partagé d’une maison avec jardin se heurte désormais à une liste sans fin d’empêchements. Charge à la nouvelle ministre du Logement de concilier ce souhait historique des classes populaires et les exigences de sobriété.
Les Français se heurtent à un souhait devenu inaccessible. Ici, un nouveau quartier pavillonnaire à Montaigu-Vendée. (Mathieu Thomasset/Mathieu Thomasset)
publié le 25 septembre 2024 à 20h34

«Il faut en finir avec la maison individuelle.» On se souvient encore de cette phrase d’Emmanuelle Wargon. En 2021, la ministre du Logement avait provoqué un tollé en osant critiquer le modèle du pavillon avec jardin. «Un non-sens écologique, économique et social», selon ses termes. Face à la levée de boucliers des professionnels du secteur et aux fourches des polémistes hurlant au piétinement du rêve des Français, le rétropédalage n’avait pas tardé.

En 2021, cette phrase s’est heurtée de plein fouet à un idéal partagé, inchangé depuis l’après-guerre et renforcé par les périodes de confinement. Mais aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, la réalité a rattrapé les rêveurs. Inflation, augmentation des coûts de l’énergie et des matériaux, durcissement des conditions d’accès aux prêts immobiliers, lutte contre l’artificialisation nette des sols et limitation des permis de construire… La liste des empêchements n’en finit plus, plongeant le secteur dans une crise sans précédent et laissant bien des Français coincés avec un souhait soudainement devenu inaccessible.

Mais alors que les taux d’intérêt des crédits repartent à la baisse et que les nuages semblent se disperser peu à peu, ce rêve peut-il toujours en être un ? Les chimères après lesquelles il faut cesser de courir, ce sont les maisons individuelles, industrielles et standardisées qui poussent comme des champignons dans des lotissements qui étaient auparavant des champs. En atteste la chute des célèbres maisons Phénix ou la liquidation du constructeur Kervran, ce modèle est un «non-sens». Mais que fait-on des maisons en zone rurale qui sont à la vente ? Elles attendent, en nombre, les jeunes ménages qui continuent de nourrir l’espoir d’un logement à eux, avec un bout de jardin, et qui pourraient prendre le relais des générations précédentes. Il est impératif de réussir à concilier ce souhait historique des classes populaires laissées dans l’impasse ces dernières années, avec les exigences de sobriété, de lutte contre l’artificialisation des sols et l’effondrement de la biodiversité. Y renoncer, c’est laisser s’installer le sentiment de déclassement et nourrir, aussi, le vote pour le Rassemblement national. Ce moment de rupture ne signe pas la fin de la maison individuelle, mais la fin d’un modèle devenu irresponsable. Désormais à la tête du ministère du Logement, charge à Valérie Létard de proposer un rêve lucide à des millions de Français et de le rendre possible.