C’est le département le plus pauvre et le plus démuni de France. Depuis samedi, c’est aussi le plus dévasté. Le cyclone Chido, qui a frappé Mayotte au premier jour du week-end, a transformé ce petit archipel de l’océan Indien en «vision de fin du monde», comme nous l’a rapporté un habitant sous le choc. Des centaines, voire des milliers de morts seraient à déplorer, quasi du jamais-vu. Plus de 100 000 personnes vivaient dans des bidonvilles qui ont été rayés de la carte. Les hôpitaux et l’aéroport sont touchés, les poteaux électriques à terre, le réseau défaillant… Mayotte est coupé du monde et les survivants ont besoin de tout.
Cet événement «exceptionnel», selon Météo France, est un phénomène naturel, certes, mais dans ce cas précis, l’homme a une énorme responsabilité. A deux niveaux. En contribuant au dérèglement climatique qui s’est traduit par des températures de surface des eaux de l’océan proches de 30 degrés, ce qui, avec des eaux chaudes très profondes, a créé «un gros réservoir d’énergie disponible pour les cyclones». Et en laissant sombrer ce département dans la misère alors que toutes les sonnettes d’alarmes étaient tirées depuis des mois et même des années.
A Mayotte on est en France et pourtant l’accès à l’eau potable est aléatoire, expliquait Libération en mars. On est en France et pourtant six logements sur dix ne disposent pas de toilettes ni de douche, une insalubrité qui a favorisé la propagation du… choléra, une épidémie que l’on n’imaginait pas revoir en 2024. On est en France et pourtant, avant même le passage du cyclone, le personnel soignant du centre hospitalier de Mamoudzou dénonçait déjà «un management déficient des urgences» avec des effectifs insuffisants pour prendre en charge les patients. On n’ose imaginer la situation aujourd’hui alors que les blessés affluent de partout. Idem pour les prisons qui, il y a moins d’un mois, faisaient l’objet de rapports accablants de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, dénonçant une suroccupation «alarmante», des détenus et migrants abandonnés à eux-mêmes et un droit bafoué de façon quasi généralisé. On comprend dès lors pourquoi Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur du gouvernement démissionnaire, a accéléré son départ pour Mayotte. L’Etat a failli dans la gestion de ce département et la population locale en paie aujourd’hui le prix. La moindre des choses, désormais, est de lui porter secours et réconfort. Vite, et par tous les moyens.