Marine Le Pen pas coulée mais suffisamment touchée pour être possiblement empêchée : en toute logique, la décision de justice condamnant la leader d’extrême droite à une peine d’inéligibilité ouvre au Rassemblement national la boîte de Pandore du «qui» pour le représenter à la prochaine présidentielle. La patronne du parti a bien sûr fermé la porte à une candidature alternative à la sienne lors de son entretien télévisé lundi 31 mars, renvoyant Jordan Bardella à son statut d’hypothétique plan B. Et dans les couloirs du parti, le sujet reste tabou.
Dans la tempête, il faut serrer les rangs derrière la patronne, avec l’outrance contre la justice et «le système» comme ciment. Il n’empêche que la question se pose : et si ce n’était pas elle ? Il est encore trop tôt pour savoir comment les Français ont apprécié la séquence qui s’est ouverte lundi, mais elle laissera quoi qu’il arrive des traces. Même en cas de scénario favorable à Marine Le Pen sur la question de l’inéligibilité, le RN se trouverait dans la situation de présenter une candidate reconnue coupable de détournements de fonds publics. Ce n’est pas anodin. Sans doute la formation d’extrême droite misera-t-elle sur l’ambivalence française concernant cette question de la probité, mais tout de même : ses adversaires auront sur un plateau l’argument qu’il y a peut-être meilleur profil pour prétendre entrer à l’Elysée et être garant des institutions. Un autre facteur handicape la cheffe de file du RN : préparer une présidentielle est un travail de longue haleine qui suppose de s’y consacrer à temps plein. Pas facile avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Analyse
Plus important mais pas sans lien avec le casting présidentiel, Marine Le Pen, Jordan Bardella, pourquoi pas Marion Maréchal, c’est la question de la stratégie de l’extrême droite qui est posée depuis lundi. En un après-midi, le RN a replongé les doigts dans ses vieux pots de confiture antisystème. Un virage à 180 degrés. Cela implique aussi d’assumer devant les Français d’être soutenue par Poutine, Trump, ou Musk. Cela peut-être un choix. Il est risqué. Sachant que la politique menée outre-Atlantique aura d’ici là causé pas mal de dégâts, dont les effets pèseront y compris et peut-être surtout sur l’électorat populaire que Marine Le Pen prétend protéger.