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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

De Harvard à Princeton, Donald Trump braque les facs

Tout à sa croisade anti-«wokisme», le président américain s’en prend désormais aux prestigieuses universités, symbole honni d’une certaine ouverture sur le monde. La résistance de Harvard, la plus riche d’entre elles, pourra-t-elle inspirer la révolte ?
(Coco .)
publié le 17 avril 2025 à 20h07

Après les fonctionnaires, licenciés d’un claquement de doigts, et parmi eux de nombreux scientifiques de très haut niveau, Donald Trump et son clan ont entrepris de laminer les universités américaines. Du moins les plus prestigieuses, celles qui accueillent nombre d’étudiants et enseignants étrangers et qui représentent donc, outre le savoir et la science, une certaine ouverture sur le monde. Autant de qualités que les trumpistes, dans leur ignorance crasse, amalgament dans le fourre-tout du «wokisme», un mot qui leur sert à délégitimer quiconque ose s’opposer à eux, envisager un genre non-binaire ou apporter le moindre soutien à la population de Gaza. Et ils ne font pas dans la dentelle : ils réclament des réformes et des mises sous tutelle.

L’université de Columbia n’a pas eu d’autre choix que celui de se soumettre, acceptant par exemple de réformer le département Moyen-Orient et de renforcer la répression des manifestations propalestiniennes. Le président de Harvard, lui, a osé dire «non» à Donald Trump, refusant de plier malgré les menaces de coupes budgétaires. Sera-t-il celui qui permettra d’enclencher un mouvement de révolte contre un Président capable de saquer un haut responsable des services de renseignement sur les seuls conseils d’une influenceuse, et qui préfère jouer au golf plutôt qu’affronter les crises planétaires ? Le choc provoqué par l’offensive sur Harvard est tel que Barack Obama a rompu le silence qu’il s’était imposé depuis l’élection du milliardaire républicain, s’insurgeant contre cette tentative «d’étouffer la liberté académique». On peut donc espérer que d’autres aient le courage de faire de même. Mais rien ne le garantit. Car, dans un pays où le premier amendement de la Constitution, pilier de la démocratie américaine, garantit la liberté d’expression, un climat de suspicion et de peur commence à s’installer. L’irrationnel devient la norme, chacun sait que sa vie peut basculer en quelques heures. L’Amérique, qui tient sa force du brassage des individus qui la composent et d’une énergie créative quasi sans limite, est en passe de perdre l’essence même de sa puissance.