Suspension de la réforme des retraites. Suspension de la grave crise politique que traverse le pays ? Evidemment non. Le spectacle auquel les Français assistent depuis des semaines est trop désolant pour se réjouir trop vite. Les ressorts de cette crise sont multiples, ses racines sont trop profondes pour avoir la naïveté de croire qu’en une séance à l’Assemblée nationale, même historique, tout serait réglé, sur l’air de «circulez, il n’y a rien à voir, notre démocratie va bien». La décision majeure de suspendre jusqu’à la prochaine présidentielle la réforme des retraites, annoncée mardi à la tribune de l’Assemblée nationale par le Premier ministre, ne réglera évidemment pas, sur bien des aspects, la crise politique que traverse le pays. Mais en éloignant la menace d’une censure du gouvernement Lecornu, et donc en écartant une nouvelle dissolution, cette suspension contribuera peut-être à éviter que le pays bascule dans la crise de régime. Ce n’est pas rien.
Les discussions qui s’engageront dans les jours qui viennent au Parlement, notamment sur le budget, sans la menace de voir le gouvernement recourir au 49.3, donneront une idée de la mesure prise par les parlementaires de la crise démocratique. Car c’est l’autre acte majeur qu’a confirmé le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : «Le gouvernement propose, nous débattrons, vous voterez.» Chiche, a-t-on envie de dire aux parlementaires. Ce qu’ils sauront faire de cette opportunité, à condition évidemment que l’exécutif joue sincèrement le jeu, donnera en tout cas une indication du rebond démocratique possible. Ou si ce qui s’est joué ce mardi se résumera à reculer pour mieux sauter dans le chaos. C’est aussi vrai de la suspension de la réforme des retraites. Au-delà de l’air politique qu’il donne au gouvernement Lecornu, le plus dur reste à faire. C’est-à-dire trouver la voie d’un compromis entre ce qui est juste socialement et nécessaire budgétairement pour maintenir le système par répartition dans le contexte démographique que nous connaissons.
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Et si cette reculade macroniste est un tournant, si elle acte la fragilité du chef de l’Etat, si le quinquennat d’Emmanuel Macron est désormais clairement sur la bretelle de sortie, direction le début de la fin, l’essentiel est ailleurs. Il est dans la discussion qui doit se rouvrir avec les partenaires sociaux. Elle doit évidemment être plus sincère que lors du dernier «conclave» sur le sujet, qui ne fut qu’un jeu de dupes. Enfin, si sa suspension est une bonne nouvelle, c’est aussi parce que les conditions de son adoption en 2023, par 49.3 après des semaines et des semaines de manifestations, avaient contribué à l’aggravation de la crise démocratique qui a explosé ces dernières semaines. Dommage qu’il ait fallu attendre trois ans pour le comprendre.