Menu
Libération
L'édito de Paul Quinio

Déclaration de politique générale : Michel Barnier, le discours d’une proie

Devant l’Assemblée ce mardi, le Premier ministre, qui cultive une image de sphinx rassurant depuis sa nomination, devra sortir du flou. Les rares signaux envoyés jusqu’alors n’ont pas grand-chose de rassurant dans sa capacité à résister à l’extrême droite.
Michel Barnier à Mâcon (Saône-et-Loire), le 28 septembre 2024. (Alex Martin/AFP)
publié le 30 septembre 2024 à 21h01

Faut-il se méfier d’un Barnier qui dort ? Depuis sa nomination par Emmanuel Macron, le Premier ministre s’est employé à cultiver son profil de vieux sage rassurant. Il a mis en avant son CV d’ancien commissaire européen et de négociateur du Brexit, histoire de bien «vendre» son image d’homme de dialogue capable de compromis. Sa longue carrière d’homme politique ayant exercé quasiment toutes les fonctions possibles lui a aussi servi ces dernières semaines à vanter sa connaissance du terrain, son souci de respecter les corps intermédiaires (élus locaux, représentants syndicaux, monde associatif) et son «bon sens», ce qui en fait forcément un homme proche des préoccupations des Français. En passant, Michel Barnier affichait aussi sa différence avec le président de la République, qui continue d’incarner l’inverse. Sa discrétion sur ses intentions depuis son entrée à Matignon a aussi nourri, auprès d’une opinion lassée des turbulences politiques à répétition, cette image de sphinx rassurant. Et quand il s’est exprimé sur la situation budgétaire catastrophique du pays, c’était certes pour préparer le terrain au sang, au labeur et aux larmes à venir, mais aussi une manière de s’afficher en bon gestionnaire des familles. Lors de la déclaration de politique générale ce mardi devant les parlementaires, Michel Barnier va chercher à cultiver son «bon» profil. Mais l’exercice va aussi l’obliger à sortir de ce flou qui pour l’instant l’a protégé. Les rares signaux envoyés n’ont pas grand-chose de rassurant dans sa capacité à résister à l’extrême droite ou aux ardeurs retrouvées de «la droite Retailleau», en premier lieu bien sûr sur la question de l’immigration. Sur la question budgétaire, on saura aussi si la perche tendue sur «la justice fiscale» était un leurre qui finalement ne pèsera pas grand-chose face à la douloureuse des économies à réaliser. C’est en résumé l’équation de ce moment Barnier : le niveau d’ambiguïté entre le velours du gant et le fer de la main.