Expliquant qu’il ne comptait nullement «faire de la surenchère» dans la crise ouverte entre la France et l’Algérie, François Bayrou a néanmoins amorcé ce mercredi une nouvelle escalade. Sortant d’un éphémère comité interministériel consacré à l’immigration, le Premier ministre a ainsi annoncé un «réexamen» rapide et immédiat de la «totalité des accords qui lient les deux pays depuis 1968», rien que ça. Le mois dernier pourtant, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, avait cherché à se montrer rassurant, estimant devant l’Assemblée nationale que «ni la France ni l’Algérie n’ont intérêt à ce que s’installe une tension durable». L’exacerbation de la crise prouve que cette lecture était entièrement exacte et en même temps – comme dirait l’autre – tout à fait erronée.
Comme le démontrent nos reportages, les habitants des deux pays ont effectivement tout à gagner d’une baisse des tensions, économiquement et culturellement. Mais les deux gouvernements, eux, sont sous la tutelle de populistes qui y ont tout à perdre. En témoignent entre autres, du côté algérien, l’emprisonnement cruel et arbitraire de l’écrivain français Boualem Sansal et le blocage systématique et fatal des expulsions de ressortissants algériens soupçonnés de terrorisme, conduisant irrémédiablement au passage à l’acte de certains d’entre eux, comme l’a prouvé samedi l’attentat à Mulhouse.
Du côté français, on tombe tête la première dans le piège tramé par les nationalistes algériens en alimentant publiquement la discorde, annonçant aujourd’hui encore des restrictions à venir dans l’octroi de visas, sanctionnant ainsi surtout les élites et les jeunes férus de culture française. Ce raidissement impétueux, provoqué par la droitisation de la scène politique et par la perte de l’art de la diplomatie, ne peut que renforcer les populistes de l’autre bord en ravivant les susceptibilités algériennes, et ainsi de suite, de surenchère en surenchère.