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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

10 ans après l’attentat de l’Hyper Cacher : la solitude des Juifs de France

Les actes antisémites ont augmenté, ce qui doit être inlassablement condamné, mais la haine entre les communautés n’a pas pris le dessus. Une vigilance individuelle et collective de chaque instant est plus que jamais nécessaire.
Devant l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris, une semaine après l’attentat du 9 janvier 2015. (Julien Daniel/Myop)
publié le 8 janvier 2025 à 19h53

Certains l’oublient trop souvent : pour les Français juifs, l’attentat contre l’Hyper Cacher, au surlendemain de la tuerie à Charlie Hebdo, a été d’autant plus traumatisant qu’il s’inscrivait dans une longue série d’attaques antisémites qui les avaient laissés meurtris et inquiets sur la prise de conscience réelle de ce danger par la société. Avant cette tragédie, il y avait eu le massacre opéré par Mohammed Merah à l’école juive Ozar-Hatorah de Toulouse en 2012 et, en 2006, le kidnapping, la torture et le meurtre d’Ilan Halimi dont les motivations étaient clairement antisémites. Depuis, les assassinats de Sarah Halimi en 2017 et Mireille Knoll en 2018 ont marqué les esprits.

Quand on les aligne bout à bout, on comprend les sentiments de vulnérabilité, d’angoisse et parfois de grande solitude ressentis par les Français juifs, et leur besoin de se sentir entendus, rassurés et épaulés par la communauté française tout entière. Cela explique en partie le départ alors massif de ceux-ci vers Israël où l’Agence juive est chargée d’attirer des Juifs du monde entier. Les «aliyah» (littéralement «ascension») n’ont ainsi jamais été aussi nombreuses qu’en 2015 même si l’on estime qu’ils sont environ 40% à être revenus en France durant la décennie 2010, déçus par l’accueil sur place. Depuis le 7 octobre 2023, les choses ont un peu changé. Après l’horreur de l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas en Israël, a suivi l’horreur des bombardements israéliens incessants sur Gaza, et les juifs de France se sont sentis d’abord peu soutenus dans leur douleur, notamment par l’extrême gauche qui refusait de qualifier de «terroristes» l’attentat du 7 Octobre, puis montrés du doigt car associés trop souvent à la politique du gouvernement israélien.

Les actes antisémites ont certes augmenté ce qui doit être inlassablement condamné mais, globalement, quand on sait que la France accueille les plus grosses communautés juives et musulmanes d’Europe, la société a tenu bon, la haine n’a pas pris le dessus contrairement à ce que les Merah, Kouachi et autre Coulibaly espéraient. On doit cet état de fait à une vigilance individuelle et collective de chaque instant. A laquelle, jamais, il ne faut renoncer.