Après le roi Charles III et le pape, était-ce bien raisonnable d’embrayer direct sur Gérard Larcher, n’est-ce pas trop demander aux lecteurs et lectrices de Libération ? Nous nous sommes bien sûr posé cette question. Mais la réponse s’est vite imposée, évidente : c’est objectivement la semaine du président du Sénat. Alors qu’une incroyable photo le montrant en grande discussion avec Mick Jagger, lors du dîner royal au château de Versailles, tourne en boucle sur les réseaux sociaux, certains se demandant même s’il ne s’agirait pas là d’une nouvelle prouesse de l’intelligence artificielle, Gérard Larcher devrait être confortablement réélu dans son fauteuil dimanche, à l’issue des élections sénatoriales, excusez du peu. «Le Gros» ou «Gégé», comme certains l’appellent, d’un ton dans lequel se mêlent, en fonction des locuteurs, affection ou mépris, a bien trompé son monde.
Profil
Personne n’aurait misé sur cet élu LR quand il est apparu dans le paysage politique français il y a… quelques décennies, et le voilà ancré troisième personnage de l’Etat. Pour six ans encore. Si toutes les prévisions se vérifient, il sera donc assuré de squatter le pouvoir plus longtemps qu’Emmanuel Macron. Avec son teint rubicond et son côté élu local proche du terroir, Gérard Larcher a tout du politique à la papa. Exactement le genre d’homme que le jeune chef de l’Etat entendait déboulonner en 2017 quand il promettait de faire table rase de l’ancien monde. Mais ne vous fiez pas à son air bonhomme, le président du Sénat est un control freak, rien ni personne ne lui échappe.
Il sait se faire des obligés, en les invitant notamment à partager sa table, opulente et chiche en légumes, comme il se doit. «Larcher, c’est la revanche des tripes sur le quinoa», note une collègue centriste, admirative, dans la formidable enquête que nous publions sur cet homme qui est parvenu à faire trembler Emmanuel Macron lors de l’affaire Benalla. A l’heure où la droite sénatoriale semble lorgner du côté du RN, notamment sur le thème de l’immigration, saura-t-il tenir ses troupes dans les quatre dangereuses années à venir ? Saura-t-il lui-même rester républicain jusqu’au bout ? On garde rarement le pouvoir si longtemps sans aller contre le vent.