La classe politique va-t-elle se montrer à la hauteur du message envoyé dimanche soir par les électeurs ? Beaucoup font mine de ne pas avoir compris ce message, pourtant assez clair. Il montre bien le ras-le-bol du macronisme ou ce qu’il en reste, la peur de l’extrême droite, et la timide envie d’un retour d’une gauche qui ne se déchire pas, bref, d’un apaisement de la société. Au vu des derniers rebondissements, on en est encore loin. Avant de s’envoler pour Washington, Emmanuel Macron a pris soin de lancer dans un jeu politique déjà chaotique une nouvelle grenade sous forme de «lettre aux Français» qui a fait bondir des leaders de gauche attendant fermement, compte tenu des résultats des législatives, d’être appelés à former un gouvernement. Le chef de l’Etat y affirme son envie, évoquée depuis plusieurs jours par des figures de l’ex-majorité présidentielle, de bâtir «un large rassemblement […] autour de valeurs républicaines claires et partagées» et «d’un projet pragmatique et lisible». Les forces politiques en question devront se reconnaître dans «une orientation européenne et la défense de l’indépendance française» et être prêtes à engager «un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays.»
En d’autres termes, pas question de nommer un(e) chef(fe) de gouvernement qui appliquerait son programme et rien que son programme, comme l’ont martelé certains leaders de LFI, qui parlent déjà d’un «coup de force démocratique». Sur le fond, au vu du désordre ambiant et des difficultés qu’aura le prochain gouvernement à gouverner, l’idée d’une coalition n’est pas absurde. Le problème, c’est qu’Emmanuel Macron est aujourd’hui un homme seul, en plein déni de sa perte d’influence. Son camp se déchire, déjà obsédé par l’échéance de 2027, ses principaux hommes forts (Edouard Philippe, Gérard Darmanin, Gabriel Attal) ne songeant qu’à profiter du chaos en cours pour éliminer les concurrents les plus dangereux et se ménager une place de choix sur la photo. Ce serait drôle si ce n’était si tragique. Car il y a un travail fou à mener, des électeurs à rassurer, et surtout un esprit collectif à retrouver de toute urgence.