Sur cette crise-là, le gouvernement Barnier ne bénéficiera d’aucun état de grâce car la tension en Nouvelle-Calédonie est maximale. Elle couvait depuis des années, mais elle est montée d’un cran quand Emmanuel Macron a entrepris, via une révision constitutionnelle, de donner le droit de vote (aux scrutins provinciaux) aux personnes installées depuis dix ans sur le territoire. Ce qui visait à diluer les chances des indépendantistes, qui l’ont très bien compris. Pris de court par la violence des émeutes qui ont éclaté à cette occasion, en mai, le chef de l’Etat a vite rétropédalé, mais le mal était fait. La confiance, déjà ténue entre Paris et les indépendantistes, a été réduite à néant. Ces derniers ont même profité de la crise pour asseoir leur pouvoir. Aux dernières législatives, ils ont récolté davantage de voix que les loyalistes et porté l’un des leurs à l’Assemblée nationale pour la première fois depuis 1986, et pas n’importe qui : Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou, grande figure politique du nationalisme kanak.
Reportage
Ce mardi 24 septembre, qui marque le 171e anniversaire du début de la colonisation française, est donc à haut risque. La Nouvelle-Calédonie est désormais un territoire fracturé, paupérisé, où certains quartiers ne sont plus accessibles car tenus par des bandes prêtes à tout. A force de laisser pourrir la situation sur place, voire de recourir à ce que certains ont vu comme des entourloupes pour renverser le rapport de force, le pouvoir parisien a pris le risque de radicaliser une jeunesse qui ne se voit plus aucun avenir au sein de la République et qui n’a plus rien à perdre. Pour beaucoup, comme le souligne notre reportage sur place, «c’est Kanaky ou la mort». François-Noël Buffet, le nouveau ministre en charge des Outre-Mer, n’a donc pas une seconde à perdre. Il doit rétablir la confiance, réinjecter des milliards pour pallier l’effondrement de l’économie locale due en partie aux émeutes mais aussi à la chute d’une industrie du nickel asphyxiée par la concurrence chinoise. Et surtout offrir un horizon à une population plurielle qui ne sait plus où elle va.