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Libération
L'édito d'Alexandra Schwartzbrod

En Nouvelle-Calédonie, il est urgent de rétablir la confiance

Quatre mois après l’éruption de violentes émeutes contre le projet de révision constitutionnelle, le pouvoir parisien ne peut plus laisser pourrir la situation sur l’île, devenue un territoire fracturé et paupérisé.
A Thio, en Nouvelle-Calédonie, le 21 septembre. (Theo Rouby/Hans Lucas pour Libération)
publié le 23 septembre 2024 à 20h26

Sur cette crise-là, le gouvernement Barnier ne bénéficiera d’aucun état de grâce car la tension en Nouvelle-Calédonie est maximale. Elle couvait depuis des années, mais elle est montée d’un cran quand Emmanuel Macron a entrepris, via une révision constitutionnelle, de donner le droit de vote (aux scrutins provinciaux) aux personnes installées depuis dix ans sur le territoire. Ce qui visait à diluer les chances des indépendantistes, qui l’ont très bien compris. Pris de court par la violence des émeutes qui ont éclaté à cette occasion, en mai, le chef de l’Etat a vite rétropédalé, mais le mal était fait. La confiance, déjà ténue entre Paris et les indépendantistes, a été réduite à néant. Ces derniers ont même profité de la crise pour asseoir leur pouvoir. Aux dernières législatives, ils ont récolté davantage de voix que les loyalistes et porté l’un des leurs à l’Assemblée nationale pour la première fois depuis 1986, et pas n’importe qui : Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou, grande figure politique du nationalisme kanak.

Ce mardi 24 septembre, qui marque le 171e anniversaire du début de la colonisation française, est donc à haut risque. La Nouvelle-Calédonie est désormais un territoire fracturé, paupérisé, où certains quartiers ne sont plus accessibles car tenus par des bandes prêtes à tout. A force de laisser pourrir la situation sur place, voire de recourir à ce que certains ont vu comme des entourloupes pour renverser le rapport de force, le pouvoir parisien a pris le risque de radicaliser une jeunesse qui ne se voit plus aucun avenir au sein de la République et qui n’a plus rien à perdre. Pour beaucoup, comme le souligne notre reportage sur place, «c’est Kanaky ou la mort». François-Noël Buffet, le nouveau ministre en charge des Outre-Mer, n’a donc pas une seconde à perdre. Il doit rétablir la confiance, réinjecter des milliards pour pallier l’effondrement de l’économie locale due en partie aux émeutes mais aussi à la chute d’une industrie du nickel asphyxiée par la concurrence chinoise. Et surtout offrir un horizon à une population plurielle qui ne sait plus où elle va.