Un déplacement et une proposition. Mais un seul sujet, central dans l’histoire politique d’un pays qui depuis plus de deux cents ans balance entre jacobinisme et girondisme, Paris et province, centralisation et décentralisation. D’un côté, ce conseil municipal à Pau où s’est rendu François Bayrou, alors que Mayotte est en miettes et qu’une rencontre interministérielle se tenait à Paris. De l’autre, cette proposition du même François Bayrou de revenir sur le non-cumul des mandats, alors que d’autres priorités à l’évidence s’imposent en métropole. Une bévue incontestable mais assumée d’un côté. Une conviction discutable et tout aussi assumée de l’autre. Un bon résumé à l’arrivée de qui est François Bayrou.
Ces deux «faits» marquants des premiers pas du Béarnais à Matignon en disent long sur cette identité très ancrée chez lui non seulement d’élu local, mais d’homme de la terre, certes épris de littérature et d’histoire, mais jamais aussi heureux que lorsqu’il conduit son tracteur. C’est son côté mitterrandien, le destin présidentiel en moins. Une colonne vertébrale qui explique beaucoup de sa détestation – réciproque – de Nicolas Sarkozy, peut-être même de ses frictions avec Emmanuel Macron, deux indécrottables urbains aux yeux du «paysan» Bayrou. Une identité non dénuée de contradictions, le Palois ayant rêvé toute sa vie – avec trois campagnes présidentielles au compteur – de conquérir Paris.
Le billet de Jonathan Bouchet-Petersen
En se rendant à Pau comme en évoquant le non-cumul des mandats, François Bayrou cherche en fait à concilier ses deux identités politiques, nationale et personnelle. Et c’est vrai que cette cohabitation est au cœur de bien des problèmes français, de manière plus conflictuelle depuis le mouvement des gilets jaunes. Le populisme d’ailleurs s’en nourrit. Le problème, c’est que François Bayrou n’apporte pas la bonne réponse. Passons sur son voyage à Pau, couac que l’histoire ne retiendra pas. Il se trompe en revanche sur le cumul des mandats. Qui peut croire, à l‘heure d’une décentralisation accrue qui voit les régions, les départements, les grandes villes et métropoles exercer de plus en plus de compétences, qu’il est possible, à plein temps et avec l’engagement nécessaire, de cumuler deux hautes fonctions, à Paris et dans son fief ? Et surtout, pourquoi la seule manière pour un élu national de garder le sens des réalités, une certaine proximité avec les citoyens, passerait nécessairement par l’exercice d’un mandat local ? Conduire de temps en temps un tracteur reste une option.