Dans la nuit du 30 au 31 octobre, des dizaines et des dizaines d’étoiles de David bleues marquées au pochoir sont apparues sur des murs de la capitale et au-delà. Au matin du 31, en pleine guerre Hamas-Israël, c’est la stupeur. L’effroi se répand à une vitesse folle, entre habitants interloqués par le choix de leur immeuble, politiques interpellés sur leur attentisme et rescapés de l’Holocauste revivant le passé. Etait-ce un acte antisémite d’envergure, une propagande pro-israélienne, un code d’activation d’une organisation secrète ? Rien de tout cela.

Révélant que la DGSI est le service saisi de l’enquête, comme il convient dans des cas d’ingérence étrangère, notre enquête démontre que l’opération – ingénieusement construite, savamment mise en scène, habilement diffusée – coche toutes les cases de la méthodologie des services secrets russes : les passeports moldaves, l’hôtel peu étoilé dans une ruelle tranquille, la deuxième équipe parallèle, le couple apparemment marié qui agit en pleine nuit, le photographe qui les accueille dans un petit aéroport, on connaît tout cela. Inspirée d’innombrables œuvres majeures de la littérature classique d’épouvante, des Mystères de Paris d’Eugène Sue à la Marque jaune d’Edgar P. Jacobs, la manœuvre a vite fait d’atteindre tous ses objectifs.

L’influence déstabilisante de ces apparitions est évidente jusqu’à aujourd’hui, tant l’étoile bleue est brandie par des négationnistes pour relativiser l’antisémitisme en France et par des conspirationnistes pour y voir un lien avec le Covid, les punaises de lit ou les Templiers. «Si vous ne savez pas où va cette route, vous n’êtes pas celui qui aurait dû l’emprunter», dit le commissaire du KGB dans Gorky Park. Et où va la route sinon vers un fossé destiné à fracturer encore et encore la société occidentale, et la société française en particulier ? Il est grand temps de prendre la menace au sérieux.