Certains parlent de «signaux faibles», manière de dire que oui, il faut être vigilant, tout en relativisant l’inquiétude. Ces signaux faibles ? Des inscriptions antisémites sur les murs d’une université à Rennes. Ce coup de poing dont ont été victimes des militants syndicaux à Lorient. Cette descente de nervis dans un festival antifa à Saint-Brieuc. Ou encore ce défilé en plein jour dans les rues de Rennes d’une trentaine de militants d’extrême droite radicaux, cagoulés, quelques jours après le drame de Crépol. A Callac, le signal est devenu fort quand la mairie, sous la pression d’une campagne orchestrée par l’extrême droite, a annoncé renoncer à l’implantation d’un centre d’accueil pour migrants.
Ces actes violents, ces tentatives d’intimidation sont assez fréquents pour considérer que la Bretagne est un territoire symbolique de la poussée, de moins en moins décomplexée, de groupuscules radicaux d’extrême droite. Symbolique car les quatre départements bretons, avec bien sûr des nuances et des particularismes locaux, ont longtemps été considérés comme réfractaires aux thèses de l’extrême droite. Electoralement, cette exception bretonne persiste, mais s’érode année après année. Le score du RN reste plus faible qu’au niveau national, mais il progresse.
L’identité longtemps démocrate-chrétienne de la région, où la gauche s’est installée à partir de la fin des années 70, forte par ailleurs d’un tissu associatif et culturel hors norme, ne peut en tout cas plus servir de bouclier. D’aucuns se rassurent en considérant que c’est précisément parce que la Bretagne est une terre de résistance électorale à l’extrême droite que ces groupuscules radicaux multiplient les actions violentes. Nous préférons y voir une preuve supplémentaire des dangers de l’offensive réactionnaire à l’œuvre au niveau national. Pour la plus grande satisfaction, sans doute, du milliardaire local, Vincent Bolloré.