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Libération
L'édito de Paul Quinio

Face à des inégalités alimentaires indéniables, le repas anticrise est sur la table

A l’heure où se rendre au restaurant est devenu un luxe pour bon nombre de Français, des initiatives à prix cassé émergent, accompagnées du discours de restaurateurs expliquant que bien manger ne rime pas nécessairement avec dépenses exagérées.
A Budos (Gironde), Loïc et Laurine Poilvé proposent un menu «anticrise» une fois par semaine. (Rodolphe Escher/Libération)
publié le 2 juin 2025 à 20h39

C’est un signe des temps plus qu’un signe d’antan, d’autant que l’on se méfie, dès qu’il s’agit de cuisine, de ces grands-mères mises sur un piédestal ou de ces odeurs de fourneaux qui forcément sentaient meilleur avant. Le signe des temps ? Ces restaurants qui, de plus en plus, à Paris comme à Budos (Gironde), proposent des plats, voire des repas, à l’addition raisonnable, autour de 10 euros, parfois même en dessous. Sans jeter pour autant la qualité avec l’eau du bain-marie.

La vision positive de cette tendance pourrait se résumer en évoquant ces restaurants ouvriers aux nappes à carreaux qu’on ressuscite. Une vision moins nostalgique oblige à dire que si certains restaurateurs proposent ce type de formule, c’est qu’aller au restau est aujourd’hui devenu un luxe pour une part non négligeable de la population. Les Français étaient d’ailleurs 19 % à déclarer en 2024 ne jamais y aller, soit 4 points de plus qu’il y a dix ans. On parle donc de repas anticrise et d’inégalités alimentaires qui augmentent. Vraiment pas de quoi se réjouir. La face moins sombre de ce reflet de difficultés sociales indéniables est que cette tendance s’accompagne d’un discours des restaurateurs, avec le relais efficace parfois des réseaux sociaux, que bien manger ne rime pas nécessairement avec dépenses exagérées. Jean-Pierre Coffe le disait à sa manière il y a des années à la télé. Tant mieux si des influenceurs hyperconnectés ou des grands chefs leur embrayent le pas pour rappeler qu’un taboulé industriel sera non seulement plus cher mais moins bon que son petit frère «fait maison». Moins bon au goût, mais moins bon aussi pour la santé. Le «fait maison» ne supposant pas d’avoir passé deux ans chez Ferrandi.

«Il faut reprendre le contrôle de ce que l’on mange», résume pour Libé Chloé Mussler. Cela suppose évidemment un minimum d’éducation alimentaire. Est-ce la mission d’une école à qui l’on demande toujours plus ? Tel qu’elle fonctionne aujourd’hui, sans doute pas. Mais alors que flotte dans l’air une révolution du temps scolaire, le débat pourrait être sur la table…