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Libération
L'édito de Dov Alfon

Face à la normalisation du Rassemblement national, ne manquons pas de courage

Dans l’espace public, chez les profs, au travail, les électeurs d’extrême droite assument de plus en plus ouvertement leur vote tandis que les sympathisants de gauche se voient dénigrés. Il nous faut refuser cette banalisation du racisme, du sexisme, de l’homophobie.
Et nous, en 2025, où est notre effroi ? (Pablo Chignard /Libération)
publié le 25 avril 2025 à 20h56

Dans l’espace public, au travail, dans les transports ou même dans des dîners en ville, il est de moins en moins rare d’entendre des propos réactionnaires, voire ouvertement racistes, sexistes, homophobes. Pire : il est de plus en plus légitime d’accepter ces propos, de ne pas rappeler immédiatement leur illicité sociale ou juridique, de hausser les épaules, de sourire bêtement ou de se taire. «Vous allez bientôt devenir un sympathisant des rhinocéros», note avec effroi le protagoniste de Rhinocéros d’Eugène Ionesco, peu rassuré par la réponse timide, «Mais non, mais non. Je n’irai pas jusque-là.»

Et nous, en 2025, où est notre effroi ? Dans toute la France et dans toutes les couches de la société, nos journalistes ont recueilli nombre de témoignages sur le dénigrement de concepts aussi consensuels que l’égalité, la protection de la nature, la fraternité, l’indépendance de la justice. Les causes principales sont connues, de la dédiabolisation de Marine Le Pen dans les médias à l’admiration de certains politiques et journalistes pour Donald Trump. Les enquêtes de terrain des sociologues en attestent : loin d’être vécu comme stigmatisant, le soutien pour les thèses du RN est maintenant valorisé par beaucoup. Tous les secteurs sont touchés, puisque même en salle des profs on peut constater une légitimité – impensable il y a quelques années – à soutenir des théories d’extrême droite, avant d’aller donner un cours d’éducation morale et civique comme si de rien n’était. Cette recrudescence de propos extrêmes ne peut que mener à une recrudescence d’actes extrêmes, il est donc grand temps de se réveiller. Il nous faut refuser l’indifférence au discours sexiste, il nous faut lutter contre la banalisation du racisme, il nous faut rejeter la légitimation de l’homophobie et du mépris de l’autre. Car, depuis toujours, ce n’est pas un manque d’idées qui facilite la progression du mal, mais un manque de courage.