Bien avant que le fait divers devienne un objet médiatique à part entière, décortiqué ad nauseam sur les chaînes d’information en continu, Roland Barthes avait démontré dans ses Essais critiques pourquoi il exerçait une telle fascination sur chacun(e) d’entre nous. Fascination morbide, certes, mais fascination réelle car il met en scène des pulsions interdites, des fantasmes inavouables enfouis profondément dans nos inconscients. Et le fait divers nous touche d’autant plus, disait le penseur, qu’il se produit près de chez nous, dans notre village, notre ville ou notre quartier, en d’autres termes dans un lieu où nous aurions pu nous trouver, dans lequel nous pouvons nous projeter.
Enquête
Le phénomène n’a pas échappé aux chaînes d’info en continu ou aux émissions à scandale, nous l’avons dit, qui voient là un moyen de captiver l’attention des téléspectateurs, et aussi à l’extrême droite qui aime tant surfer sur la peur pour mieux se présenter en (improbable) sauveuse. Mais également à toutes sortes d’escrocs, sympathiques ou pas, inoffensifs ou pas, ayant parfaitement compris à quel point les familles touchées sont désespérées, donc vulnérables, et prêtes à tout pour espérer obtenir ne serait-ce qu’une bribe d’information sur le sort de l’être cher qui leur a été ravi.
La disparition d’Estelle Mouzin, qui a frappé toute une génération ou, plus récemment, l’affaire dite du petit Emile sont des modèles du genre, qui ont vu se succéder différents médiums et autres magnétiseurs convaincus de pouvoir faire avancer les recherches. Ce pourrait être drôle si les conséquences de ces interventions n’étaient si graves. Elles font miroiter de faux espoirs à des personnes fragilisées, elles servent parfois à extorquer de l’argent à des familles qui n’en ont pas forcément et surtout elles parasitent les enquêtes en multipliant les fausses pistes et en brouillant certains témoignages clés. Pour vous éclairer ou vous amuser, nous avons rassemblé différents cas exemplaires, interviewé policiers et voyants dans une enquête à laquelle nous avons vite donné le nom de code de «maboules de cristal».