Quels chiffres pour commencer, histoire de donner le vertige à tous ceux qui se promènent rarement le samedi après-midi aux heures de pointe dans les allées de Zara ou Primark ; ou qui ne traînent jamais le dimanche matin, au lit et sur leur portable, sur les sites de Shein et autres Temu : la production mondiale de textile a doublé en vingt ans ; le secteur est responsable de 10 % de la production des gaz à effets de serre ; le mastodonte Shein, créé en 2008, 32 milliards de chiffres d’affaires, a multiplié ses ventes par dix en trois ans et va jusqu’à proposer 7 000 nouvelles références de vêtements par jour. C’est bon pour le vertige ? Vous pouvez maintenant en parler à table avec votre ado ou à déjeuner avec vos collègues de bureau : le vertige risque de s’accentuer. Car vous avez sans doute fermé inconsciemment les yeux sur la surconsommation de fringues de votre enfant – elles sont, c’est vrai, en boule au fond du placard, pas facile de s’y retrouver. Quant à vos meilleurs amis qui vous parlent longuement d’écologie à chaque rencontre, eux aussi sont addicts au tee-shirt à 4 euros.
Tout ça pour dire qu’il n’y a pas de doute que la fast fashion marche à toute allure sur la tête vers le toujours plus de vêtements, toujours moins chers, toujours de moins bonne qualité et toujours moins-disante sur les conditions sociales qui permettent de les produire. Mais en matière de vêtement comme de nourriture ou d’arrêt à la pompe, il est un peu court de s’en prendre aux classes populaires ou moyennes qui feraient mieux pour sauver la planète de retourner quatre fois leur tiroir de commode avant d’acheter un vêtement qui ne sera porté qu’une paire de fois. Etre à la mode, soigner son look, céder à un petit plaisir serait-il réservé aux porte-monnaie bien remplis ? Il faut bien sûr réguler nos dérives individuelles insensées d’hyperconsommation. Mais l’ultra-fast fashion rimant avec ultralibéralisme, la vraie régulation ne sera qu’économique. Les députés, ce jeudi 14 mars, à l’Assemblée vont s’y essayer. Tant mieux.