Il faut commencer par faire un effort. Celui de renoncer à penser à la place de… Pour simplement écouter. S’oublier. Accepter d’être humble. Laisser sa propre histoire, ses propres convictions, ses croyances, ses a priori, ses possibles postures de côté. Il sera toujours temps de les laisser reprendre le dessus, elles nous rattraperont, on le sait. Mais pas tout de suite. D’abord écouter Pierre, 48 ans aujourd’hui. «Parkinson a déjà pris ma vie», confie-t-il à Libération. La maladie, incurable, s’est déclarée il y a dix ans maintenant. Un Parkinson précoce, diagnostiquent les médecins. «Le début de la fin date d’il y a deux ans», raconte Pierre, qui a pris rendez-vous en Belgique le 24 avril. Il veut bénéficier d’une aide à mourir, interdite en France. Il explique que «c’est un choix qui m’est finalement imposé, car je me rends compte que je vais me prendre un mur à une vitesse que je ne peux pas gérer. Mais mon parcours de fin de vie, c’est un parcours rationnel : ça fait plusieurs années que j’en parle avec des psychiatres et des psychologues. La maladie a été la plus forte – mais à la fin, c’est moi qui décide.»
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On a aussi écouté Bruno Retailleau dimanche 13 avril, avec cette idée en tête que le sujet de la fin de vie est complexe, et surtout qu’il bouscule les consciences de chacun sans strictement obéir à la grille des clivages politiques habituels. On l’a écouté en essayant aussi d’éviter les postures. Et pourtant, le ministre de l’Intérieur nous a semblé hors de propos quand il a parlé d’un texte de loi qui n’est pas un texte «de fraternité mais d’abandon». Car maintenant que nos convictions nous ont rattrapés, il est difficile de ne pas penser à celles, religieuses, qui sont pour beaucoup dans l’obstination de certains à refuser toute avancée sur la fin de vie. Chez Bruno Retailleau comme chez beaucoup d’autres, à commencer par François Bayrou. Et là, revendiquons-le, ça bloque. Le ministre a les convictions religieuses qu’il veut. Personne ne lui demande de les abandonner. En revanche, de ne pas les imposer à tout le monde, de ne pas les imposer à Pierre, serait peut-être plus fraternel…