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Libération
L'éditorial d'Alexandra Schwartzbrod

Fondations : un système en clair-obscur

Entre défiscalisation généreuse et opacité, ces mécanismes philanthropiques qui prolifèrent et pallient les manquements publics soulèvent des questions. Face au manque de contrôle, une transparence accrue s’impose pour répondre à la demande de justice fiscale.

(Aseyn/Liberation)
Publié le 29/10/2025 à 20h02

C’est l’une de ces nombreuses boîtes noires liées à l’Etat (à l’image des aides publiques aux grandes entreprises) que celui-ci ferait bien d’entrouvrir pour assurer un peu plus de clarté : le système des fondations et fonds de dotation. Leur nombre ne fait que croître et il suffit de savoir comment elles fonctionnent pour comprendre le secret de cet engouement : elles permettent aux entreprises ou aux milliardaires qui les fondent ou les abondent d’user et abuser des systèmes de défiscalisation et ce, bien souvent, en toute opacité.

Les dons faits aux fondations donnent en effet droit, si celles-ci œuvrent pour «l’intérêt général», à des réductions d’impôt qui font saliver même les tycoons les plus soucieux des deniers publics. Et l’Etat, lui, y trouve son compte, cette manne du privé permettant de pallier ses manquements, que ce soit dans le social, l’éducation, la lutte contre les discriminations, la santé ou les médias (Libération est ainsi devenu un fonds de dotation comme le Monde ou Mediapart).

Tout le monde s’y retrouve, donc. Ou plutôt s’y retrouvait. Car, à un moment où l’Etat cherche désespérément à renflouer ses caisses, la tentation peut être grande d’aller voir de plus près si certains ne dévoient pas le système à l’excès et s’il n’y a pas moyen de récupérer une partie de cet argent qui échappe à l’impôt. Problème, les services de l’Etat se sont fait un peu déborder par la fondation-mania et peinent à suivre le rythme. Le nombre de fondations et fonds de dotation a été multiplié par sept en vingt ans, conséquence d’un système devenu, au fil des années, le plus généreux du monde, plus encore qu’aux Etats-Unis où l’on compte pourtant de nombreux milliardaires philanthropes, à l’image de Warren Buffet ou Bill Gates. Alors, faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ? Non, bien sûr, nombre d’actions menées par les fondations font œuvre de salubrité publique mais il serait sain, à un moment où l’Etat est confronté à une demande de plus en plus pressante de justice fiscale, qu’il y apporte davantage de contrôle et de transparence.